CHAPITRE 9
Un suspect ou un coupable
"C'est ici le combat du jour et de la nuit" V.H. avant de mourir.
L’étau se resserre sur Emile dont le pic été retrouvé dans la forêt, 4 ans après la disparition d’Octave.
Finalement, les gendarmes frappent chez l’Emile.
-« Bonjour monsieur, nous venons vous voir pour vous poser quelques question »
-« Je vous en prie, entrez ! ».
-« Monsieur Robert B. pense que le pic retrouvé par monsieur Fournier dans la forêt vous appartient. Il ne comprend pas que vous n’en vouliez pas. Et même sa femme Cécile se demande si Octave n’aurait pas été tué par cet outil. Qu’avez-vous à répondre ? »
-« J’avais un différent avec Octave .Il m’avait trainé au tribunal, c’est vrai. Mais de là à le tuer, il y a quand même une marge. L’outil effectivement perdu, j’en ai acheté un autre et n’ai plus besoin du vieux qui est rouillé : Pensez ! Au bout de 4 ans !».
-« Monsieur Fournier a retrouvé votre pic, car c’est bien votre pic n’est ce pas ? Il l’a retrouvé à cet endroit précis ! La carte développée, le gendarme montre à Emile le point marqué d’une croix. Aviez-vous une raison précise pour aller à cet endroit ? Une plante à retourner ou à glisser, un chantier à ouvrir ? »
-« Non, je n’avais rien à faire dans ce coin et je ne comprends pas que l’outil y a été retrouvé. »
Le brigadier se rend à l’estafette et revient avec le Sapi toujours enveloppé dans le jute.
-« Monsieur Bois et sa femme affirment tous les deux que ces deux points noirs ici sont votre marque. »
-« Oui, je le reconnais, mais je ne veux plus de cet outil. Il est rouillé, il va se déchausser. J’en ai acheté un autre, cela me suffit. »
-« Votre pic ne s’est pas retrouvé par hasard à cet endroit ! »
-« J’ai du l’oublier sur le chantier de mon oncle André, C’est ici à peu près ».
Avec son doigt Emile désigne un point sur la carte du gendarme.
-« Mon oncle l’a peut être descendu pour me le rendre, mais c’est lourd ! Il l’a peut être déposé là, pensant revenir le chercher le lendemain. Va t en savoir ! Il ne m’en a pas parlé ! Les vieux ont des oublis. Il est possible même que le lendemain, il ne savait plus bien l’endroit où il l’avait déposé et ne l’a pas retrouvé. »
-« Cet outil vous en aviez besoin pour continuer à faire glisser votre bois, vous avez du le chercher, interroger votre oncle. »
-« Oui bien sûr, mais il a été vague dans sa réponse. Il n’était plus tout jeune vous savez et maintenant il n’est plus là. Son secret il l’a emporté dans la tombe ».
Les gendarmes replient la carte, enveloppent le pic et s’en retournent à l’estafette. Les rideaux se soulèvent à leur passage .Que va-t-il advenir d’Emile ? Les gendarmes ont-ils enfin réussi à trouver l’assassin ? Le mystère de la disparition d’Octave va-t-il enfin s’éclairer ? L’estafette disparait dans le virage. Le silence retombe sur le village comme les rideaux aux fenêtres, les rumeurs sont sourdes, elles sont aussi aveugles et muettes.
Epilogue
Je n’aurais jamais du descendre l’outil rouillé et le laisser dans la fraîcheur azalée. J’aurais du m’en tenir à la poésie alimentaire de mon panier à champignons. Ce qui est fait est fait, mais moi le vacancier, l’étranger qui n’a pas son nom au cimetière, J’ai l’impression d’avoir soulevé contre moi tout le clan d’Emile. Le pic que j’ai descendu a déterré une hache de guerre qui se retourne contre moi. Octave le mal aimé, tel qu’il était, avait ses partisans. La venue des gendarmes 4 ans après sa disparition a fait remonter de vieilles querelles et des peurs secrètes. Son squelette nettoyé par les fourmis, blanchi par les hivers et le soleil hante encore le sommeil des villageois. Il y a un vide au cimetière à coté de la sépulture de ses parents. Personne n’acceptera même pour une concession au rabais, de s’allonger à sa place tant que là haut, quelque part dans une faille près d’un terrier de blaireau, s’étaleront sur la mousse les ossements blanchis d’Octave.
La Cécile pourra pasticher son cher Hugo(*) alors que se terminent les travaux des bois et dire en s’essuyant le front :
-«De quel lourd silence dans cette chaleur de lave
Pèse la rumeur qui s’abat
Sur le pic d’Emile et les os blancs d’Octave »
Elle pourrait aussi le soir même, faire rimer crépuscule et canicule et en pensant à Octave seul dans la nuit, dire avec son cher Victor :
« Ami je sens du sort la sombre plénitude
J’ai commencé la mort par de la solitude.(*)
*) Quel farouche bruit font dans le crépuscule,
Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule.
Victor Hugo à Théophile Gauthier.