Ch.3 : seul sur mon île
Résumé : Quatre chevaux blancs sauvent un chasseur réfugié sur un chêne pour échapper à la crue soudaine de la rivière
Entre les pins, je m'éloigne un peu à la recherche d'un chemin pour sortir de l'encerclement. Je le trouve plus loin, après un petit bois de boulot. Il n'est pas bien large mais il devrait nous conduire à quelque carrefour. Quand je reviens deux cavales sont déjà levées. Je les attelle sans problème. La 3ème ne tarde pas à se lever à son tour, je l'équipe elle aussi, bride et selle. Reste le bel étalon blanc qui souffle encore comme un soufflet de forge. Il fait mine de se lever puis retombe lourdement. Je remarque sur sa selle posée à même le sol, un petit lasso. Il me servira pour accrocher les cavales. Une sacoche de cuir pend de l'autre coté. Elle contient une boite à pharmacie et, miracle, un bouteillon de whisky. Je me régale en me réchauffant puis aussitôt me réchauffe en me régalant et ainsi de suite. Après tout je bois à la mémoire du cavalier qui chevauchant une si belle monture et possédant un si bon whisky, ne peut être un mauvais homme. Les juments broutent déjà les grandes herbes en bordure du bois de pin. J'arrache une bonne poignée de cette luzerne pour mon valeureux cheval qui s'est épuisé à me porter au travers de la rivière. Il se redresse de toute sa hauteur et se met à manger. C'est alors que j'aperçois d'autres sacoches de cuir attachées à la selle des juments. Elles sont plus petites et ne contiennent pas de whisky (il ne faut pas rêver) mais elles sont étanches et j'y trouve un briquet. De suite je m'emploie à faire du feu. Un bon feu pour sécher chemise et pantalon. Les chevaux s'éloignent à peine. Ils ont faim et broutent avec délice les hautes herbes vierges comme si pour eux la crue et la bonne tasse étaient oubliées. D'où viennent-ils ? Que sont devenus leurs cavaliers ? Ces chevaux m'ont sauvé la vie. Moi aussi je les ai sortis d'un mauvais pas. Une grande complicité affective me rapproche d'eux désormais. Je regarde du coté de la rivière, toujours rien. Victor et Louis ont sans doute du renoncer à venir me chercher, le courant est trop fort. Je décide alors de me mettre en route à pied de chaussettes. Mon étalon en tête ; je le conduis par la bride comme un enfant ; les trois juments suivent l'une derrière l'autre. Il me faut éviter églantines et ronciers. On sort du bois de pin, on traverse une futaie de boulots, blancs comme les jambes de mes cavales et vieil or comme les boucles des brides et les initiales du propriétaire serties sur les oreillettes : L.M surmonté d'une petite couronne ducale. Qui donc se cache derrière ces initiales dorées ? On arrive au petit chemin repéré tout à l'heure. Il pénètre dans un bois de chênes roux, au taillis de charme. Avec une chemise sèche, Je recommence à goûter les couleurs de l'automne et me prends à espérer. Je vais sans doute trouver quelque hameau, ou une maison forestière. Les chevaux semblent partager mon optimisme et marchent tranquillement en s'ébrouant. Le chemin s'élargit et descend légèrement ; on traverse une coupe de bois. Les stères alignés me rassurent. Elles me rapprochent de l'activité humaine. Le chemin entame un virage et c'est encore l'eau. Elle baigne nettement le pied des arbres. Va-t-elle encore monter ? Impossible de la contourner. Je fais demi tour sans attendre, refais le chemin jusqu'au petit bois de boulot, Je le traverse pour retrouver les pommes de pins et la rivière. Mon feu fume encore. Je délie mes chevaux, leur retire la selle et la bride. Ils se remettent à brouter. Je regarde la rivière, elle a encore monté me semble t il et toujours rien en aval. Que se passe t il au village ? Est-il sous les eaux : Victor et Louis, que font-ils ? Je vais chercher du bois et revigore mon feu. Me voici sur une île comme Robinson.