Pour visiter les églises à pans de bois, l’office du tourisme vous fournit un joli dépliant allez y, elles valent le détour, d’autant qu’autour de leur clocher les maisons des villages quasiment toutes en torchis à pans de bois et colombage forment une belle unité comme les meules d’orges blonds jadis sous le soleil d’été. Certaines églises sont équipées de guides robots qui se mettent en route dés que la monnaie est introduite dans la fente du tronc. Pour un euro, Ils vous donnent toutes les explications possibles. Ils vous racontent la foi de ces paysans qui ont dressé les pans de bois à hauteur de chêne et consolidé l’ensemble de poutres en croix de Saint André. Paysans charpentiers comme en son temps le fils de l’homme, Ils choisissaient pour le curé et pour Dieu les plus belles plantes, les chênes les plus droits.
Guide sans mission , Je vous emmène au couchant à Outines au mois de Novembre, à l’heure ou les grues quittent les éteules de maïs pour regagner le der et passer la nuit à l’abri de ses ilots. Formant de grands V dans un ciel rouge, elles passent à hauteur de clocher en vagues successives dans un haut commérage sonore. Homère leur comparait l’armée troyenne : Les plaintes rauques de ces grands oiseaux sont elles vraiment « des cris de guerre sainte à l’arme blanche ?»(1) La guerre de « Troie » aurait elle eu lieu en Champagne ? Il suffit de remplacer le i par un autre , grec bien entendu. On m’a dit que chacune des formations en V était un clan, avec plusieurs générations d’une même famille. Chaque clan aurait un cri de tonalité différente et s’identifierait en glapissant bien haut. D’un beau gris cendré, les ailes se déploient lentement tandis que la bande blanche du cou s’allonge et montre la direction .Assis sur le mur du cimetière coté chœur, c’est la fascination .Je pense à St John Perse décrivant les oiseaux de Braque : « A mi-hauteur entre un amont et un aval d’éternité, se frayant route d’éternité, ils sont nos médiateurs et tendent de tout l’être à l’étendue de l’être… »(1) Ces grands voyageurs se reposent chez nous avant de partir en Afrique. Ils reviendront en Mars avant de remonter dans le grand Nord. J’admire leur sagesse, alors que nous faisons le contraire pour aller nous rôtir au Sud en été et nous rouler dans la poudreuse en Février. Une dernière formation entre chiens et loups laboure de son étrave un ciel mauve. Déjà la première étoile apparait, celle du berger. Un soleil rouge illumine la façade aux pans de bois et le clocher pointu couvert d’écailles. Le guide robot met en route la lumière à l’intérieur .Elle dessine le gothique des ouvertures .Des gens sortent, Le robot –guide les a-t-il aidé à trouver le ciel ? Les touristes n’ont sans doute trouvé que ce qu’ils cherchent : une certaine beauté rustique, un plongeon dans la tradition paysanne .Mais certains peut être ont trouvé Dieu sous ce clocher qui tend le doigt vers Lui. Et nous, nous qui sommes restés dehors, avons trouvé le ciel ? La réponse nous parvient dans le jour déclinant : très haut venant du lac à l’Orient passe en silence « une mouette blanche ouverte sur le ciel, comme la main d’une femme contre la flamme d’une lampe » (1)
(1)St John Perse Les oiseaux