Empires, britannique, français, espagnol, portugais, néerlandais, italien, et même belge : Du 16 ème au 19 ème siècle, les pays d’Europe se sont bâti des empires. Vers cet immense espace tout neuf se sont tournés les yeux des chrétiens catholiques et protestants .Ce fût alors 3 siècles durant un élan missionnaire sans précédent. Il « fallait » apporter l’évangile à ces peuples de la « périphérie». Après la deuxième guerre mondiale, l’accès à l’indépendance plus ou moins glorieux ou douloureux, plus ou moins rapide des anciennes colonies a vu s’effriter ces empires. Les colons sont partis, l’évangile est resté. Les jeunes églises qui sont nées dans cette aventure témoignent d’une grande vitalité. Mais Il est des intellectuels dans les anciens « centres » de ces empires déchus qui regardent encore avec condescendance ceux de la « périphérie » .Avec la même suffisance que les colons de jadis, Ils parlent d’obscurantisme lorsque ces jeunes églises chantent la joie des béatitudes, ils dénoncent un dieu importé et imposé par les conquérants, alors qu’elles ont fait leur, la libération qu’apporte l’évangile. Voici une jolie réponse d’un écrivain camerounais (1) à l’adresse des « rationalistes d’Occident », elle est citée par Jean Claude Guillebaud dans « le commencement d’un monde »et ne manque pas d’humour : « Qu’ils aient tué Dieu, passe encore, mais ce qui m’agace, c’est qu’ils l’ont tué juste après me l’avoir refilé….ils sont venus avec leur Dieu en Afrique… Ils m’ont dit que c’était le vrai, le bon, l’unique…..le problème c’est que je me suis attaché à ce Dieu. Le problème c’est que je le trouve vraiment à mon goût. Je n’arrive plus à me défaire de l’emprise de cet Homme-Dieu qui, sur les sentiers, les places et les synagogues de Palestine, n’a parlé que d’amour. Franchement, j’ai essayé de m’en défaire. Ma révolte post-adolescente, qui me faisait douter de tout, m’a fait douter de lui. Le jeune étudiant que j’étais a flirté avec l’athéisme, puis avec le bouddhisme….Je suis revenu vers votre Dieu, pardon mon Dieu, à qui, sincèrement, je n’avais rien à reprocher. »
« L’agressivité culturelle de l’athéisme occidental incite nombre d’intellectuels de la « périphérie » à refuser de diaboliser ou simplement de ringardiser la religion .Le mépris du religieux semble viser les peuples eux mêmes. Ils y voient une perpétuation de l’arrogance coloniale. » Voir ci-dessous ce que dit Achille Mbembe de la religion. (2)« Déclinante en Europe (dans les anciens « centres » des empires coloniaux) la dynamique chrétienne s’est transportée en Afrique, en Amérique latine ou en Asie .Le christianisme –qu’il soit protestant, catholique ou orthodoxe n’est plus la religion du « centre »,loin s’en faut. La « périphérie » prend le relais. Les subalternes, hier colonisés, ont repris le flambeau des mains de leurs conquérants. »(3) Le christianisme n’est plus l’apanage de l’Occident .Nous ne sommes plus « le centre », Il nous faut perdre notre arrogance et nous réjouir sincèrement de voir ainsi s’agrandir la famille avec des chrétiens qui vivent l’évangile autrement et renouvellent notre regard sur Jésus.
(1)Gaston Kelman, « parlons enfants de la patrie »,Max Milo éditions 2007
(2) « La lutte pour sortir d’un ordre inhumain des choses ne saurait se priver de ce qu’on pourrait appeler la productivité poétique du religieux….instance de la cure et de l’espérance qui peut aider ceux qui étaient à genoux à se lever et marcher ». Achille Mbembe, « Qu’est ce que la pensée post- coloniale ».
(3)Jean Claude Guillebaud, le commencement d’un monde. Le seuil.