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  • le cri du corbeaui

    Avec la forêt, j’ai un rapport  quasiment charnel.  Né   au pied d’un chêne ou presque, je sens la sève   des bois monter  en moi au printemps et  me descendre  dans les pieds  à l’automne. On est tous comme ça à la maison. On tient cela de notre  père. Plaisir ressenti  par lui  viscéralement, transmis  par testament ancien et secret. Héritage  partagé d’un «  homme qui plantait des arbres ».

    -L’Aîné de mes frères n’a pas attendu  d’être libéré de son travail pour planter le marais. Ses peupliers  étaient déjà bien élevés  quand  à  la retraite, il a chaussé ses bottes et ne les a  plus  quittées. Il a fallut les lui enlever pour qu'il accepte de s’asseoir  et chausser des charentaises.

    -Le cadet  parlait de ses pommiers avec  une grande fierté, la beauté  des fleurs  et  la qualité des fruits. Comme Claudel, dans l’annonce faite à Marie  pour lui, les fleurs étaient là pour chanter la gloire de Dieu   mais  les fruits  étaient pour  l’homme et  donc   pour "sa pomme", pour les siens  et ceux qui  passaient par là.

    -Le troisième n’a jamais quitté le chêne  au pied duquel il  est né. Son épouse  ne dédaigne pas  de  chausser  les bottes. La forêt  était  leur  jardin  avant  de devenir   leur  horizon.

    -Le quatrième  frère  avait, collée  à la peau, sa vareuse de chasse. Il aimait les forets bordés d’épines  noires, les grands ronciers et  les sombres halliers, il avait le regard  perçant  de la «  braconne » et le fusil  efficace. Il a pendu la crémaillère  en plantant  un  vaste jardin dont son épouse est  la jardinière assidue..

    -Le sixième ne chasse pas  le gibier  petits ou gros mais  poursuit  avec ténacité  la plantation  d’arbres dans la ville : Sur la moindre butte, le plus petit terrain vague, aux carrefours ,aux croisements de routes et d’autoroutes  ce sont  des érables ,des platanes, des hêtres  et même des chênes  qui affrontent  en s’élevant  les vapeurs d’essence . Maxime le Forestier ,né dans le béton , s’identifiait en chantant  à  ces arbres  dans la ville .  Un vieux rêve poursuivi et partagé : non  pas quelques  arbres  mais une  forêt  dans la ville !  Utopie ? Chimère ?  Le rêve  arborescent sortira t il  des cartons ?  Central Parc  a  t il  poussé en un jour ? Il n’a que 350 hectares? Le tiers du  projet forestier  qu’il conçoit  et  rêve  dans  la métropole lilloise.(1)

    -le Septième ,c’est le beau frère, il  est né dans  la plaine maritime .Les bois  qui protègent les grandes  fermes  là bas  sont couchés  sous le vent, arbres  courbés comme balais d’écurie,  oyats  comme  poignées de cheveux dans le vent et la dune  d’ou jaillissent les  bécasses , plaines  à perdreaux  lisses comme  des plages à marée basse "quand la mer s'est retiré  à pieds nus"(1bis) .Et la forêt aussi   dans les vieux jours pour faire travailler le chien. Et  le grand pin  au fond du jardin que les voisins ont fait dépecer et couper en tranche  avec la mort dans l’âme, jusqu’à ce que mort s'en suive.

    - Le huitième   regarde de sa fenêtre de la rue de Rivoli, les   tilleuls blancs   domestiqués des  Tuileries  mais  il a fait  une « alliance »  rapprochée » avec  les forestiers   du Beaujolais. Il contemple là haut  les Douglas sévères  qui  couronnent   les coteaux   de  sa montagne, compagne  d’adoption.

     -Le cinquième, c’est moi, votre serviteur . Je ramasse des champignons  du 15 Aout    jusqu’à la Toussaint.( Avant la chasse au gros : audacieux mais pas téméraire ) Deux bons  mois  à   fouler  les feuilles mortes, à sentir  les  odeurs  fortes de la terre   encore tiède après l’été, à me plonger dans   le chatoiement  charnel  des fauves, ocres et jaunes  mélangés ,des  forêts  de  chênes,  charmes ,bouleaux, hêtres  et   noisetiers  .

    ( 1 )Carillonnez Beffrois  ch.9.   B.B. ed voix du Nord

    (1 bis)