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  • Tchouang-tseu

     

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    Tchouang-tseu

    Philosophe chinois  du 3éme siècle avant notre ère, son œuvre  porte son nom : c’est le  Tchouang –tseu  tout simplement. Il ne développe pas  d'abord des idées mais  décrit  le « fonctionnement des choses » à partir  de son expérience, voila un homme qui pense par lui-même. J’ai  emprunté à Gaspard l’ambition de  mon blog, à savoir : « vous  emmener par l’autre bout des choses découvrir  la face claire  de la nuit »  Alors, Allons y  hardiment ! Suivez moi dans cette chinoiserie..

    Tchouang- tseu lève un voile  sur le «  fonctionnement des  choses ». J’ai retenu  sa description de deux expériences que je vais essayer d' éclairer   à partir  de  ma propre expérience.

    -La première, c’est le cuisinier  Ting qui dépèce un bœuf pour  le prince wen-houei. On entendait des houa quand il empoignait l’animal et des houo quand son couteau frappait en cadence.

     -«  C’est admirable, je n’aurais jamais imaginé pareille technique », s’exclame le prince.

    -« Ce qui intéresse votre serviteur » dit ting , « c’est le fonctionnement des choses(1 ) non la simple technique. Quand j’ai commencé à pratiquer mon métier, je voyais tout le bœuf devant moi, trois ans plus tard je n’en voyais plus que des parties, aujourd’hui je le trouve par l’esprit  sans plus le voir de mes yeux. Mes sens n’interviennent plus, mon esprit agit comme il l’entend, il suit de lui-même les linéaments du bœuf ».(1bis) L’activité de  Ting  semble s’émanciper du contrôle de la conscience.  Il suffit  de réfléchir, dit Jean François Billeter (2), pour découvrir que les étapes décrites par le cuisinier nous sont familières." Nous les parcourons pour apprendre à marcher, à parler, à rouler en vélo. Cela éclaire d’un jour nouveau une part de notre expérience  pour peu qu’on  leur porte une certaine attention."

    -La deuxième  met en scène le charron Pien taillant une roue en bas des marches .Il pose son ciseau et  son maillet, monte les marches et s’adresse au duc Houan : « Quand je taille une roue et que j’attaque trop doucement, mon coup ne mord pas .Quand j’attaque trop fort il s’arrête dans le bois. Entre force et douceur la main trouve  et l’esprit répond. Il y a là un tour que je  ne puis exprimer par des mots, de sorte que je n’ai pu le transmettre à mes fils ». Billeter  commente :""   Pien,le charron n’a pas de disciples et n’a pas eu de maître non plus. Il a lui-même mis au point son geste  (la main trouve, l’esprit répond) La philosophie n’a jamais pris en compte cette maitrise du geste. Elle est trop commune et familière pour paraitre digne d’intérêt. De plus, un geste pratiqué quotidiennement  devient inconscient.""

    Je vais  à la manière de Ting et de Pien   vous dévoiler   mon expérience de   faiseur de nouvelles .

    On m’a fait cadeau un jour d’un vieil ordinateur  dont il me fallut  apprendre  à me servir. J’ai tâtonné à la manière de Pien le charron. « La main trouvait,   l’esprit  ne répondait  pas  toujours » et de Ting  le cuisinier.  Au début , Je n’y voyais que du bleu.  On m’a conseillé des exercices. Il fallait  taper des pages  d’écriture  pour me familiariser  avec  la console.J’ai  tapé une  première phrase  et m’en souviens : «  Dans un mauvais virage, à la sortie du plateau, j’aperçois  au loin  de larges cheminées  et un pan de toit noir caché  au milieu d’arbres  flamboyants ».

    Il m’a fallut téléphoner  à Claude  pour savoir comment enregistrer  la phrase et arrêter l’ordinateur, savoir  aussi ce que voulaient  dire les mots  écrits en rouge et  pourquoi   certaines lettres  étaient en majuscules  etc. 15 jours plus tard, j’étais toujours  dans mon mauvais virage  à la sortie du plateau à essayer de comprendre  comment  se comportait ma machine infernale et  voila  que ma  voiture   s’est mis à emprunter le mauvais virage,descendre la côte , tourner  autour d’un grand frêne ,s'engager dans un  chemin plus ou moins forestiere puis m’a emmené dans une aventure   qui allait noircir 50 pages .Ce fût ma première nouvelle  en 15 chapitres.(3)

    « Quand nous  avons  intégré un ensemble de gestes ,nous les exécutons en exerçant sur eux  un contrôle réduit .Confiant au corps  le soin d’agir ,notre conscience se dégage ,se tient quelque part au dessus .Ce que j’appelle le corps  peut assurer de la sorte  de nombreuses activités  dont certaines impliquent des opérations mentales  compliquées ,celle du langage par exemple(2) ; Occupés  à noircir l’écran  pour  des exercices sur ma console d’ordinateur ,mes doigts  m’ont entrainé  dans un roman  dont chaque page  coutait à mon professeur d’ordi  une nouvelle leçon. « Quand elle fait confiance au corps, la conscience devient disponible ….tout en faisant une chose, nous pensons à une autre, nous rêvons. Tchouang  désigne  cette expérience par un verbe : Yeau. « Se promener, se balader, évoluer librement ». Voici comment ,laissant  libre court  à mon imagination ,j’ai  tapé mon  premier roman. « En son sens fort , Yeau  désigne le régime d’activité dans lequel notre conscience dégagée de tout souci pratique, se fait spectatrice de ce qui se fait en nous (2)».C’est ainsi  que progressant  dans l’emploi de l’ordinateur, j’ai  développé pour la première fois  un récit imaginaire. Une nouvelle  « digitale » en 15 chapitres  tapée du bout des doigts et  quasiment par le bout de mes doigts. Apprentissage du fonctionnement des choses, comme Ting. Tour de main ou plutôt de plume, intelligence des doigts  qui trouvent  à la manière de Pien le charron alors que  le récit  « se balade, se promène, évolue librement. »J’ai eu un maître, Claude, pour  m’apprendre la technique de la console mais pas pour  la nouvelle qui s’est  laissée  écrire  toute seule, m’a-t-il semblé. Me voici spectateur de ce que font  les bouts de mes doigts. Si cette nouvelle est publiée un jour  au lieu d’y mettre mon nom d’auteur , j’y imprimerai  en première page  une photo de mes dix doigts.

     

     (1) Billeter   traduit par "le fonctionnement des choses"  et non  tao  car ce  dernier mot a pris  depuis une charge et un  sens  auquel  Tchouang ne pensait pas au 3 éme siécle avant notre ére.

    (1bis) A condition que ce boeuf ne soit pas du cheval dirait Findus.

    (2)Jean François  Billeter  leçons sur Tchouang-tseu  Chez Allia.2010.

    (3) "La branche que cache la forêt" ,Louis Fernand Olbec , éditions du « tiroir d’en bas » date  de parution indéterminée, post mortem sans doute .En derniére minute voir le P.S.ci dessous :

     P.S. : Mon éditeur(Persée) m'annonce  cette semaine  qu'il va éditer" la branche' .Vous verrez  donc un jour mes dix doigts  sur  la  premiére page de cette  premiére nouvelle.Olbec