Maimby
Une clairière, une grande clairière dans la courbe de la forêt .Les moines jadis ont défriché l’espace de cette "grande terre" et ont bâti une bergerie. Maimby,c’est le nom de cette bergerie ,c’est aussi le nom de la rivière tout au long du bois. Le Maimby ceinture ainsi l’orée des bois et délimite la lisière de la " grande terre". Un gué relie foret et clairière,c'est tout simplement le gué de Mainby.
Les moines ont été jadis chassés de France et ont désertés le coin mais chaque année, le berger me recevait dans sa bergerie et me permettait de m’y retirer avec André son frère (1) durant quelques jours à l'automne .Cette bergerie était plus silencieuse qu’un cloître .Une petite route traverse le bois et la plaine, je m’y promenais avant le lever du soleil quand tout dormait encore sauf bien entendu le berger.Ce n'était pas pour rêver comme "le promeneur solitaire" mais pour mener ,dés le matin, le combat avec l'ange comme Jacob au gué de Yabock, l'empoignade avec le Seigneur ,à l'interroger pour savoir son nom. Ce Seigneur qui m'avait séduit au temps de ma jeunesse et me rejoignait en cette fin de nuit déchirée par les hululements d'au delà du gué .Ci- dessous ,j'ai transcris mon regard émerveillé de ces cinq matins . Je l’offre au berger qui s’en en allé, pour lui dire merci de son accueil chaleureux. Au delà de la butte a tinté le glas, la bergerie fait silence .Les paons ,ces emplumés de haute cour , sont partis il y a longtemps,par une belle nuit comme s’ils pressentaient le naufrage de ce qui fut une arche de Noé bruissant des cris de basse cour. Adieu l’ami. Je te serre les cinq doigts de la main,les cinq doigts du matin et t'offre mon regard sur ce Maimby ,cette immense clairière qui prend chaque matin la couleur du temps .
(1)se retirer pour faire retraite avec Dieu
Les 5 doigts du matin
« Doigts de rose » ou de givre
Oranges, rouges ou gris
Voici l’aurore qui se lève
« Dans son berceau de brumes »(1)
Chanter le levant
L’espoir brut du matin
Et le café brulant
Pénétrer la nuit
Y faire naître le jour
Quand le ciel se déchire et s’ajoure
Lundi : (lunae dies,jour de la lune)
L’aube est citron, l’aube est orange
Comme c’est étrange
Les longues trainées de basses brumes
Écharpent les plis et les bosses de la vaste clairière
Orange et citron, ciel agrume
Dessus la ligne sombre des grands bois.
Mardi (:Martis dies jour de Mars)
Tout est rose ce matin
Tout est rose et serein
Rien ne bouge
Dans la danse immobile
Du tremble d’or
Jaillit un disque rouge
Dessus la ligne sombre des grands bois.
Mercredi (Jour de Mercure : Mercurii dies )
Au vert dans le matin gris
Ovins blancs et bœufs roux
Et la - bas au delà des prairies
Une vague clarté
Dans un ciel dépoli
Dessus la ligne sombre des grands bois
Jeudi (Jour de Jupiter : Jovis dies)
Le givre a dressé l’herbe en épi
Le sidéral est bleu nuit,
Cristal et gelure
Le jour hésite, silence et rosée blanche
Les nefs de ligne rayent l’azur
Dessus la ligne sombre des grands bois
Vendredi (Jour de Vénus : Veneris dies)
Dans sa couverture anthracite
Saigne un soleil hématite
Levant boréal et vent de noroit
Les arbres se couchent comme balais d’écurie
Espadons mauves et chiffonnages
Dessus la ligne sombre des grands bois
« Quand l’aurore aux doigts de roses
Jaillit de son berceau de brume »(1)
Orange, rose ou gris, sang ou givre
Joie sauvage et matin frileux
Trop tôt, trop clair, mais déjà ivre
Du trop plein de ciel bleu
(1) Homére, odyssée
Les cendres du berger ont été dispersées , mêlées à celles de son amie qui a veillé longtemps avec lui , sur le Maimby.La pluie les a fait pénétrer dans cette terre aimée.Nous nous sommes mis à l'abri d'un bouleau planté par le berger lui même au siècle dernier, il y a 20 ans.Une grande tendresse unissait dans la simplicité les amis ,les enfants et petits enfants de Do qui se retirèrent ensuite, silencieux et tristes en même temps qu'apaisés . Le voisin a promis de soigner le petit jardin du souvenir où la vierge blanche veille en silence.
Les bouleaux tremblent dessus leur troncs élancés et blancs comme des cierges dressés sur leurs cendres, tandis que ,plus loin,le grand saule planté lui aussi, il y a 20 ans , pleure sous la pluie en balançant les longs filaments de ses branches olives.La grande lessive de l'automne découvrira la croix qui se cache sous ses rameaux. Cette croix qu'il a planté jadis comme un défi et sur laquelle la maladie l'a cloué. Elle se découvrira chaque hiver pour les passants après la chute des feuilles.Elle brillera de mille feux d'argent chaque fois qu' un soleil d'hiver "jaillissant de son berceau de brume" fera miroiter le givre le long des fines ramures, comme une invitation à l'espérance.