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la peste - Page 2

  • ici, pas de pourquoi

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     « Ici ,il n’y a pas de pourquoi !»

     

    « Il faut se séparer des juifs en bloc et surtout ne pas garder les petits » Brazillac condamné à mort pour intelligence avec l’ennemi  a été fusillé au fort de Montrouge en 45. Epouser l’antisémitisme des nazis, c’est déjà  très grave ; La France étant  occupée, c’est de plus une trahison et une forme d’intelligence avec l’ennemi et c’est à ce titre qu’il a été  jugé et fusillé.(la peine de mort fût abolie  bien apres)  Mais  le « ne pas garder les petits », à lui seul  , est  effroyable .C’est ainsi que des milliers d’enfants ont été exterminés  à Auschwitz  «  là où il n’y avait  pas de pourquoi ». Hier ist hein warum.

    Job  sur son fumier disait, pourquoi ? Et même pourquoi moi ? A  Auschwitz, pas de pourquoi. Pas même de « pourquoi les enfants ? » 

    L’évangile est plein de pourquoi  posé par ses disciples devant les choix  parfois étranges  de Jésus et ses paroles anticonformistes, à contre courant de la pensée et de  la religion officielle. En réponse Jésus  pose aussi des pourquoi pour enseigner en guise  de  maïeutique  à la Socrate. Mais le  seul vrai pourquoi de l’Evangile, un pourquoi tragique  face au silence de Dieu qui parait si loin, c’est celui du psaume 22  prié  et crié  par Jésus sur la croix.

    « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

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    Mon Dieu, le jour j’appelle, point de réponse ».

    Matthieu l’a transcris en araméen .Jésus aurait  ainsi retrouvé  sa langue maternelle pour  crier son « pourquoi »  vers le père : Eli,Eli  lama sabachtani !

    Au Golgotha, sur la colline, il y a eu donc ce  pourquoi  questionnant suivi il est vrai  d’un grand cri de confiance.Ladislas Kijno  a dénommé "pourquoi" un tableau impressionnant ou il a peint une sainte face  couronnée d'épine,oeil et lévres tuméfiés sur toile froissée .Comme le christ de son tableau,Ladislas  a fermé les yeux . "De sa chair", voit il Dieu comme l'espérait Job ? A t il maintenant  une réponse à son pourquoi ?

    «  Père je remets mon esprit entre tes mains »

    Pour répondre à ce pourquoi, il y a eu des bibliothèques entières d’explication. Comment comprendre  ce mystère de la rédemption ? Comment  comprendre que le salut du genre humain se jouait dans ce pourquoi qui prolonge celui du serviteur souffrant dans le deuxième  Isaïe ( ch. 53) et  celui de Job.

    Je reviens à ce : « Pourquoi les petits » ?  Dramatique, ce pourquoi là est  tout bonnement  tragique  car  sans retour. Job retrouvera  des enfants mais il n’a jamais pu  oublier les autres. Ceux qui ont perdu des enfants dans la shoah  en ont eu d’autres eux aussi mais ce n’était pas les mêmes. « Impossible d’oublier les autres », dit Dostoïevski « même si avec les années, le chagrin se mêle à la joie…C’est ainsi  dans le monde. Chaque âme  est à la fois éprouvée et consolée » (1)

    Dans la peste qui ravage Oran, Camus  met en scène  le père Paneloux qui    prêche  et  tente d’expliquer le mal, tandis que la plainte du vent  s’engouffre sous les portes et occupe les silences pesants qui rythment  le sermon. Dés  qu’il touche à la mort des enfants, il sent  le public lui échapper . S'il cherche à expliquer l’inexplicable,le public  décroche et va jusqu'à mumurer, tousser,bouger les pieds .Alors  le prédicateur se tait et laisse  le sifflement du vent  déchirer le silence  puis  il invite  les gens à se mettre à genoux. «  Le temps de peste exige une religion de temps de peste, il est des moments ou  la religion de tous les jours ne suffit plus. »

    Pierre Assouline dans son livre : Vies de Job (2), cite  Jacques Ricœur dans une conférence  en 85  à l’université de Lausanne: «  Pourquoi la mort des enfants ? Pourquoi tant de souffrance en excès ? »  : «  Leur souffrance est l’incarnation  du mal superflu, du mal excédentaire, du mal qu’on ne peut décidément pas accepter et encore moins concevoir. » Ricoeur  ne met pas son auditoire à genoux comme le pére Paneloux dans la cathédrale d’Oran qu’emplit le hurlement du vent, mais  se met à rêver  et faire «  rêver d’une condition humaine débarrassée de la violence où serait  enfin dévoilée l’énigme  de la vraie souffrance ».

     

     « Si je crie à la violence, pas de réponse ;Si  j’en appelle, point de jugement.

    Il m’a dépouillé de la gloire,il a ôté la couronne de ma tête ;

    Il déracine comme un arbuste mon espérance. Job ch. 19 /7 à 10

    Oh ! Je voudrais qu’on écrive mes paroles,Qu’elles soient gravées en une inscription,

    Avec le ciseau de fer et le stylet,Sculptées dans le roc pour toujours Job ch. 19/23,24

     Je sais, moi que mon Défenseur est vivant, que lui le dernier se lèvera sur la terre

    Apres mon réveil, il me dressera prés de lui et, de ma chair, je verrai Dieu. »(3)

     

    (1) Makar ivanovitch

    (2) Vies de Job  Gallimard 2011.

    (3) Job ch. 19/25