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mission - Page 3

  • Calcul et pardon

    rembrandt65.jpg« Combien de fois faut-il pardonner ? Jusqu’à 7 fois  », demande Pierre ?

     « Non pas 7 fois mais 70 fois 7 fois » lui répond Jésus. (1) Cela fait 490 fois. C’est beaucoup  mais finalement   sur une vie, c’est très peu. Divisons  490 par 90(ans).Puis par 365 (jours).Cela revient à pardonner 0,01 fois par jour.

    Prenons  l’exemple d’une mère de famille   de 3 enfants  qui  sèche  les larmes  et dit « c’est tout », une fois  dans la journée  à chacun de ses 3 enfants. Calculez, vous verrez ! Elle fait  300 fois mieux. Sans me vanter, je crois que moi aussi je dépasse   le chiffre avancé par  Matthieu.

    Voyons d’autres exemples  de calculs   plus légers:

    -il y a des gens pressés qui, traversant une foule, vous bousculent et vous marchent sur les pieds en disant pardon, pardon, pardon ! C’est du 10 pardons à la minute. Les 490 pardons sont accordés avant que le soleil ne se couche sur la dernière colère (2)

    -il y a le  maladroit qui vous verse la sauce sur le costume ou  vous renverse le verre de vin sur la table  et vous mouille le pantalon. «  Oh !  1000 pardons, excusez-moi ! » Ces 1000 pardons à la seconde coûtent, il est vrai, moins chers qu’une note de pressing.

    -Il y a  le propriétaire d’un Dauber man qui laisse son chien   aboyer   et vous mordre et qui  candide, vous dit : « excusez le, il faut lui pardonner, d’habitude il n’est pas méchant ». (3)C’est le pardon « Ségolène » qui s’excuse   pour les aboiements  supposés d’un autre. Je crois  honnêtement que l’on peut faire une soustraction.

      Comptabiliser  ces excuses   légères  et les assimiler au pardon vrai  seraient  donc trop facile.

    Mais qu’est ce donc que  le pardon vrai ?

    Les chiffres  symboliques  avancés par Matthieu nous donnent  une indication. Le chiffre 7  évoque  une certaine « complétude » (4). Multiplié par 70, il  indique une «  hyper- complétude » et nous  invite  finalement à pardonner toujours et  d’un pardon de plénitude, un pardon accordé sans calcul.

      Et  voila la question qui  rebondit :

     qu’est ce au juste qu’un pardon  vécu  en plénitude ?

    -Ca commence    par  une ardoise  qu’on efface : 

    -« On en parle plus, c’est tout » ! 

    -« Tes paroles ont sans doute dépassées ta pensée, je  fais une croix dessus,  tournons la page, mettons le compteur à »! 

    Effacer l’ardoise  est relativement  facile  aux grands.  En faisant  preuve de magnanimité, il  peut  jouer  au grand Seigneur. Cela flatte  sa superbe. C’est plus difficile  de bas en haut surtout  quand sur l’ardoise, il y a  une addition d’humiliations, il faut alors  plus qu’un bon chiffon  pour  les effacer.

    Le pardon, c’est cela, mais  c’est  plus que cela.

     C’est plus que la simple décision d’oublier l’offense, plus qu’une ardoise effacée, c’est une ouverture  à  une relation  renouvelée, un  dialogue de nouveau  possible après avoir fait la vérité, une confiance  accordée avec une mission  confortée comme Jésus le fit  3 fois avec Pierre.(5) Ce pardon là est chose  difficile, surtout quand la passion s’en mêle. (6) Mais quelle énorme chose ! Il ouvre  tout  grand l’avenir  après  le clash de la dispute, le déchirement du conflit, les humiliations subies, les reniements douloureux.

    Ce qui est vrai du pardon de personne à personne est  vrai  aussi   du pardon   nécessaire après   des périodes de violence entre peuples. Il    suppose   un long travail de mémoire pour faire la vérité sur les crimes commis de part et d’autre. Il s’interdit  bien sûr  d’instrumentaliser  cette mémoire pour  justifier  d’autres crimes. Il suppose des hommes et des femmes  de paix, tenaces, au caractère bien trempé qui aident leurs  peuples  à dépasser les rancœurs, les désirs de vengeance et la haine meurtrière pour construire ensemble un nouvel avenir. Certains  y laissent leur peau  comme  Henri IV, Jean  Jaurès, Anouar el Sadate, Menahem  Bégin, Pierre Claverie. D’autres  comme Mandela   y  ont perdu longtemps leur   liberté et ces jours- ci   Aung San Su en Birmanie  risque la sienne. Ce martyrologe  n’a pas fini de s’élargir, la paix est un combat et le pardon tue encore.

     En 1848, la République française   a inscrit la Fraternité  après la  Liberté et l’Egalité sur  les frontons des édifices publics. La deuxième République n’a duré que 4 ans, la Fraternité est restée  gravée dans la pierre. Elle a mis au cœur de l’idéal républicain « une sortie de soi qui en appelle à l’autre »(7)  Certains  révolutionnaires  de 48 étaient ils  inspirés  par l’Evangile ?  C’est la thèse de Pierrard (8).  Le christianisme, religion du pardon (9), serait il  une  clef pour ouvrir un avenir  à l’humanité ? L’Evangile  une   « lumière pour le monde » ? (10) un   chemin de fraternité ? Oui, sans doute si les hommes et les églises  s’en emparent  et y  jouent  leur avenir à « 490 »   contre  1, soit « 70 fois 7 fois » pour tous.

     (1) Matt.ch.18/21.Cest un chiffre cher à Matthieu. : 7 demandes dans le Notre Père, 7 béatitudes, 7  paraboles.  Ce n’est pas un chiffre sacré. Il n’y  a de sacré que Dieu, mais il est  employé de manière symbolique et désigne une certaine « complétude », une série   achevée. Plus qu’un chiffre rond, c’est un chiffre consistant surtout quand il est multiplié par  10 fois lui même.

    (2) Ephésiens ch.4/26 : « emportez vous, mais ne commettez pas le péché : que le soleil ne se couche pas sur votre colère »

     (3)Ce pardon là  pourrait se conclure avec bonheur par le pied au cul selon  la formule bien connu  dans les cours de philo pour désigner un lapsus significatif : « Monsieur, mon pied, votre chien, ce n’est  pas dans le sien, c’est dans  le vôtre qu’il ira.»

    (4 J’emprunte ce terme  à la logique en lui donnant le sens qu’il me plait de lui donner. Excusez   moi, c’est mon coté anar et inventif. Voir note  numéro 1

     

     (5) Evangile de St Jean ch.21/15 et16 .Par 3 fois Pierre a  renié Jésus et le coq a chanté, par 3 fois après les événements, Jésus   lui demande : «  Pierre m’aime tu ? », suivi d’une mission confortée : « Sois le pasteur de mes brebis » !

    (6) « Celui qui aime beaucoup ne pardonne pas facilement »  Paul Claudel. L’Otage.

    (7) Levinas. L’autre, si j’ai compris le  chantre  abscons de l’altérité, c’est celui qui n’est pas de la famille, de la même couleur de peau, de la même religion, du même pays, du même bord, de la même classe.

    (8 Les pauvres, l’Evangile et la révolution    Pierrard chez Desclée  77.

    (9)Matt ch.6/12 : « Pardonnez nous nos offenses comme nous pardonnons… » Cette demande au cœur du Notre Père  ne fait il pas du pardon le centre du christianisme ?

    (10)Jean ch.8/12

    (11)photo rembrandt :"son pére courut se jeter à son cou" Luc 15/20