Du cimetière de Béthanie à celui de Jellaz
Assassinat de Chokri Bélaîd
Il ne fait pas bon troubler la paix des cimetières même pour rendre quelqu'un à sa famille. Jésus en a fait les frais à Béthanie autour du tombeau de son ami Lazare, après qu’il l’ait invité à se lever d’entre les morts et rendu à ses sœurs Marthe et Marie. Dés cet instant, au cimetière de Béthanie le meurtre est décidé, (1)« prémédité ».Un meurtre politique : " Si on le laisse faire, les romains vont s’en mêler,il vaut mieux qu'un seul homme meurt pour le peuple" .Ainsi , pour avoir la paix, on s’écrase devant l’occupant romain au point d’imaginer un meurtre et d’oublier la loi et le troisième commandement du décalogue promulgué au Sinaï : « Tu ne tueras pas » !
La foule immense qui s’est pressée pour accompagner Chokri Belaîd au cimetière de Jellaz à Tunis criait : « levez vous, il est mort pour nous ».J’associe à la mort de Chokri celle de Sadate , Luther King , John Kennedy et de bien d’autres victimes d'assassinats politiques mais j'y associe aussi les longs emprisonnements de Nelson Mandela et Aung San suu Kyi sans oublier les prisons chinoises , coréennes,israeliennes où croupissent encore aujourd’hui des milliers de prisonniers politiques. La décision de tuer Jésus est donc bien politique comme, sans doute, l’exécution de Chokri.
Mais l’occupant romain et les princes des prêtres sont plus malins qu’Ennada, le parti au pouvoir en Tunisie. Ils ne veulent pas se salir les mains et provoquer une émeute. Ils vont imaginer une arrestation par une bande de mercenaires « sous contrat », armée de piques et de bâtons et la faire en pleine nuit, dans un jardin, à l’écart. Il leur faudra de plus soudoyer un ami pour qu’il le trahisse, trouver de faux témoins pour un procès truqué. Il a fallut aux assassins, comble de la collaboration, avoir recours à l’armée d’occupation pour exécuter le condamné. Jésus va perdre son procès, un simulacre de procès. La sentence est sans appel, elle est très vite exécutée. Son corps repose sous la pierre, on a roulé le rocher devant l'entrée du sépulcre, l’ordre règne à Jérusalem. C’est la paix des cimetières en cette nuit, veille de Sabbat.
: Les princes des prêtres dorment tranquillement, les marchands du temple font leur compte, Pilate s’essuie les mains, les soldats ont regagné leur caserne, l’un d’entre eux a une tunique d’une seule pièce sous le bras, c’est celle de Jésus, il l’a gagné aux dés. Les pharisiens, les gens bien "installés" et les biens pensant sont satisfaits, on ne viendra plus changer leur religion et risquer de contrarier l’occupant. Il ne reste plus au Golgotha se détachant sur un ciel en feu, que trois croix dressées , rougies du sang des supplicié et une pancarte clouée au sommet écrite en plusieurs langues qui désigne Jésus par dérision comme le roi des juifs. Un roi couronné d'épines.(2)
Mais la mousse ne poussera pas sur le rocher rond qui ferme le tombeau. C’est Marie Madeleine qui la première verra qu’il a été roulé. Pas le lendemain, car c’est le Sabbat, mais au petit matin du Dimanche, premier jour de la semaine juive. Alors qu’il fait encore nuit, elle se rend au tombeau avec des aromates pour achever d'embaumer le corps selon la coutume juive. A l'Orient, au loin, le ciel s'éclaire, c'est l'aube. Mais voici que le rocher est roulé et le corps de Jésus a disparu. Ainsi, pense Madeleine, les méchants continuent de s’acharner sur lui. Bouleversée, elle court pour avertir Pierre et Jean. « On a enlevé le corps de Jésus et je ne sais où ils l’ont mis» (3) Jean avec Pierre se met lui aussi à courir .Il est bouleversé mais pas de la disparition du corps. Il est bouleversé, et soudain, se lève en lui un immense espoir, vaste comme la lumière rose qui embrase maintenant le Levant. Et si Dieu avait pris le parti de Jésus, s’il lui avait donné la victoire, s’il l’avait glorifié à jamais. Tout en courant il se rappelle les dernières paroles de Jésus : «Père l’heure est venue, glorifie ton fils …j’ai manifesté ton nom aux hommes, maintenant ils savent que tout ce que tu m’as donné vient de toi…Ils ont cru que tu m’as envoyé… .Je leur ai donné ta parole et le monde les a pris en haine… …Je leur ai révélé ton nom pour que l’amour dont tu m’as aime soit en eux et moi en eux »(4)
Jean, plus jeune arrive avant Pierre au tombeau. C’est bien comme Madeleine a dit, la pierre est roulée et le tombeau est vide .Il voit et il croit. « Il vit et il crut »(4bis).MarieMadeleine voit et pleure, Jean voit et croit. Dieu a fait appel du jugement de Pilate. Il a pris le parti de son "serviteur souffrant". Il a donné la victoire au crucifié. Pour Jean, Jésus ne pouvait pas vraiment disparaitre de par son intimité avec son Père .Le tombeau vide, catastrophe pour Marie Madeleine, est pour Jean un signe. « Il vit et il crut ».La foi pascale est née dans cette révélation fulgurante, non pas seulement à cause de la pierre roulée et du tombeau vide mais a cause du souvenir des paroles indicibles partagées avec le pain lors de la cène : « Père l’heure est venue, glorifie ton fils ».La foi pascale est née dans la lumière rose du levant auprès de ce sépulcre ouvert en ce matin de Pâques. Longtemps après, Jean va écrire son Evangile comme un grand procès que « le monde »(5) a fait à Jésus et à ses disciples .Un procès qu’il ne pouvait perdre avec le Paraclet ,son avocat ,(5 bis).Le rocher roulé ,fait signe. Dieu a brisé le cercle fatal de la mort dans lequel était enfermée l’humanité. Blanchi de toute accusation, Jésus entre dans la Gloire de Dieu son père.
Beaucoup de chrétiens de par le monde payent un lourd tribut à leur fidélité à Jésus, leur foi en ce "Messie crucifié" .Ils subissent des persécutions : Nigéria, Chine, Indochine, Irak etc. Le monde leur fait à eux aussi un procès : Ils, pardonnent trop facilement, refusent de juger, sont naïfs, trop ouverts à ceux qui galèrent : l’étranger, le sans domicile, le sans travail, le sans papier. Ils refusent de se plier à ceux qui font de l'histoire un Absolu, aux totalitarismes de tout bord. L’évangile dérange par son appel à la pureté,à la liberté. Certains n’acceptent pas que Jésus ait pu chasser les marchands du Temple et mis en garde contre le danger des richesses. Jésus avait prévu ces persécutions (6) mais avait prédit la victoire de l’Amour sur la haine. Entré dans la gloire par sa résurrection, premier né d’entre les morts, il ouvre à l'humanité une immense espérance.
A la fin des temps, quand Jésus reviendra , le nom d'Aung Sam Suu Kyi ,ce nom si difficilement prononçable sera béni avec les noms de tous les bienheureux qui ont vécu selon les béatitudes, de tous les martyrs qui ont sacrifié leur vie à la cause humaine , des assassinés politiques qu’ils soient chrétiens ou non :Chokri Belaid ,Sadate et Luther King,avec Christian et Christophe et les autres moines de Thibérine et la longue liste du martyrologe depuis 2000 ans .
(1) Jean ch. 11 :
(2)INRI : Jésus Nazareth Rex judaeorum. : Jésus de Nazareth le roi des juifs. Jean ch.19/19
(3)Jean ch.20/2
(4)Jean ch.17
(4bis) jean Ch. 20/8
(5) le monde : Jean ch. 15 et 16
(5bis) Jean ch.15/ 5 à 15