Confrontation
Lors d’une visite au siège d’une grande entreprise, foulant la moquette de longs couloirs au silence feutré, je suis passé devant une salle ou le mot confrontation était gravé sur la porte. Ce n’était pas une salle d’arts martiaux ni une salle de négociations sociales entre la direction et les syndicats, mais bien une salle de débats, de confrontation entre des salariés diversement missionnés dans le travail. Par exemple entre d'une part, des chercheurs (ceux qui cherchent et trouvent, poussés par le sens de leurs responsabilités envers l’entreprise et ceux qui s’attardent dans des voies stériles en sacrifiant au perfectionnisme)(1) et d’autre part des commerciaux qui se font l’écho de la réaction de la clientèle. Etaient invités aussi des gens de la production. « De ces confrontations sont nées de grandes innovations » m’a dit mon mentor(2). » « Cette salle est mon arme contre les conservatismes » a-t-il ajouté. « La routine des activités quotidiennes endort les gens qui cèdent à l’assoupissement, au conformisme ambiant, à la paresse intellectuelle. Cette salle est là pour organiser le désordre, se mettre à l’écoute des désirs de la clientèle, saisir la mode et ce qui commence et cela bien sûr ,avant la concurrence. »
Depuis cette visite ,Je rêve d’une salle de confrontation comme celle là dans les évêchés des églises catholiques , anglicanes ou protestantes.
- Pas pour voir comment progresse le chiffre d’affaire, le denier du culte ou le nombre des fidèles, mais pour mesurer la fidélité à l’Evangile des différents partenaires chrétiens et la diffusion de la bonne nouvelle dans le siècle.
- Pas non plus pour mettre face à face les anciens et les nouveaux, car Ils se disputeraient de manière stérile comme fréres ennemis.
Dans cette salle de confrontation, on pourrait mettre face à face des gens qui ne se rencontrent pas habituellement, par exemple :
Des professeurs du séminaire ou de faculté de théologie et des laïcs en responsabilités dans les paroisses ou les mouvements qui accueillent des séminaristes stagiaires ,préparent les baptémes,assurent les funérailles etc..
Ils confronteraient leurs pratiques à la lumière de l’évangile dans une écoute exigeante des gens tels qu'ils sont et non comme ils souhaiteraient qu'ils fussent.
Une telle salle aurait sa place sans doute au Vatican alors que Benoit XVI dans son audience du mois de Janvier invitait les jeunes à l’anticonformisme chrétien. « N’ayez pas peur d’aller à contre courant, résistez à la tentation du conformisme.»Une salle de confrontation entre les différents dicastères et les pèlerins notamment les jeunes sur ce thème de l’anticonformisme face aux modes actuelles, ça décoifferait ! Non pas pour s’accuser mutuellement d' idolatrer la modernité ou au contraire d'être ringard mais voir comment concrètement fonder sa vie sur Dieu et vivre de l’évangile. Cela pourrait aider les jeunes pèlerins mais encore plus sans doute les cardinaux de la curie qui,il faut le dire,ont fait preuve d'une singuliére audace dans l'élection du nouveau pape François.La chapelle Sixtine serait elle devenue une salle de "confrontation" positive ?
On pourrait imaginer aussi des salles de confrontation dans les administrations laïques ! Les grands corps de l’état, voir les états majors, avec le même principe : Ne pas mettre entre eux les gens qui font le même métier mais des gens qui ont des taches différentes au sein de leurs corps respectifs. « Des réunions inter fonctionnelles »(2) de gens qui sont bien entendu animés d’un désir de mieux faire et non d'en découdre comme ci-joint les deux fréres Caîn et Abel.
Faut-il faire des réunions pour supprimer des réunions ? plaisantent les anti- réunionistes ? Oui, car il ne s’agit pas de se réunir pour se réunir mais pour faire bouger les lignes, car « dans ces réunions ,dit François Dalle , prennent la parole et bousculent tout le monde des esprits différents, des fausse garde comme on dit à la boxe … stimulés par eux, les autres sortent de leur train- train et de la discussion jaillit la lumière ….Mais il faut savoir que l’écoute est dérangeante… Elle est un ferment de désordre.. Elle oblige à renoncer au confort de l’ordre établi »(2) . J’ajoute qu’elle demande une certaine humilité, une grande disponibilité, une certaine force pour aller à contre courant. Cette force qui animait Jésus de Nazareth quand il dénonçait la tartufferie des pharisiens. et affirmait que les premiers seraient les derniers. Sa salle de confrontation, c’était pour Jésus la place publique, la synagogue, les douces collines qui dominent la mer de Galilée ou le parvis du temple à Jérusalem. Je me contenterai aujourd’hui de quelques salles polyvalentes même poussiéreuses pourvu que la confrontation soit sincère, courtoise et pour un meilleur service de l'homme.Alors, fausse garde ou pas, avec ou sans gants de boxe, avec salle de confrontation spéciale ou local poussiéreux , Je rêve de voir les chrétiens accepter avec simplicité la remise en question de leurs idées et de leurs pratiques ,se laisser bousculer par l’ Evangile du prophète Jésus et cela pour mieux servir leurs frères ,
« parce qu’ils le valent bien !» (comme on dit à l’Oréal. )
(1) « Des chercheurs qui cherchent on en trouve, Des chercheurs qui trouvent on en cherche».Aurait dit de Gaulle ! Cette phrase a été chantée par Julos Beaucarne.
(2) François Dalle .L’aventure L’oréal chez Odile Jacob. Organiser le désordre.ch.14.