JONATHAN
Au début ça lui suffisait. On lui mettait des miettes de pain dessus la colonne en brique qui soutient la rambarde de la terrasse, coté jardin. Un jour qu’on avait oublié de secouer le panier à pain, le goéland s’est posé sur l’appui de fenêtre et a frappé au carreau, réclamant ce qui était devenu un dû. Les deux garçons de la maison trouvaient la chose bien amusante .Ils guettaient le goéland argenté , ouvraient la porte et lui jetaient souvent plus que des miettes. Ils l’avaient baptisés, Jonathan, si vous ne savez pas pourquoi, demandez le à Livingston .
Deux ans séparaient les deux frères de 4 et 6 ans Jean le petit et André l’aîné.. Or voici que le plus jeune perd son doudou et c’est le drame .Tout le monde se met à la recherche de cet espèce de lapin chiffonné et crasseux sans lequel pas de sommeil possible. Le doudou est introuvable comme le sommeil du petit qui hurle son désespoir.
Et si c’était Jonathan qui l’avait embarqué ? Oui, ce n’est pas impossible, l’oiseau a le bec assez fort et ses grandes ailes blanches déployées sont assez puissantes pour porter un lapin en chiffon. Mais pourquoi donc et pour qui Jonathan aurait pris le doudou ? .C’est ici qu’intervient bonne maman. :« Surement, le goéland a pris le doudou pour consoler son bébé qui ne réussit pas à s'endormir .Il te le rendra quand son bébé ira mieux »
Les pleurs de Jean cessent aussitôt. Le récit de la grande mère a fait mouche. Si le doudou console le bébé de Jonathan, alors, c’est bien , c’est même très bien; après tout ,lui, Il peut s’en passer .Jean s’endort paisiblement avec dans l’oreille une berceuse chantonnée par Jonathan qui lui dit merci d’un rire bienveillant ,un rire en cascade comme font les mouettes rieuses et les goélands argentés (larus argentatus)et même désargentés ,quêtant leur pain ,faisant la manche. Le lendemain matin à l’heure du casse croute , Jonathan n’en a pas cru ses yeux , il y avait sur le pilier nourricier une miche de pain entière à se partager avec les mouettes, les tourterelles , les merles et ses frères goélands .La famille de Jean et d’André a grignoté des biscottes ce matin là ,au petit déjeuner.
Et Voici qu’en retournant un matelas , la grand maman retrouve le doudou roulé dans les minous .Elle le plonge aussitôt dans le bac a lessive , et par force majeure , le conte continue avec l'imagination débordante et créatrice de la bonne maman. " Le bébé de Jonathan est surement guéri", raconte t’elle, il n’ a plus besoin du doudou .Jonathan l’a ramené ".
"Il aurait pu le garder dit Jean, moi j’ai quatre ans et demi , je n’en ai plus besoin" .Le doudou fétiche est bien lessivé, il est tout propre et sent bon mais il est désenchanté. Jean s’en est détaché au profit du bébé de Jonathan ou du moins du bébé que bonne maman a imaginé. Le doudou est devenu échange et don, il a perdu son attraction et son pouvoir de fétiche bien aimé. Jean se met à sucer son pouce en attendant que saint Nicolas ou le père Noël descende dans la cheminée et que Jonathan quittant son bollard n° 3 vienne le remercier en frappant le carreau de son bec jaune..
P.S. : J’ai proposé a plusieurs dessinatrices de B.D. d’illustrer ce petit conte .Certains se sont mis à l’ouvrage, Y aura-t-il un éditeur amoureux des contes enfantins pour publier ces desseins et faire de Jonathan un héros malgré lui ,comme celui qu’imagine Cosey , un héros de BD ?