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une grande avenue

  • le cri des corbeaux

    Chapitre 2

     

    Les corbeaux de l’avenue

     Je deviens sourd mais  le chant des corbeaux résonne en moi et fait rebondir mes  souvenirs,mon enfance durant la guerre,avec  les images du coucher de soleil dans                    la plaine flamande

    Cette avenue était  un   lieu de rendez vous   pour corbeaux ,disons, " socialisés".  C’était  à  l’heure du café après le  repas du Dimanche. A mon approche,  les oiseaux noirs à reflets bleus  décollaient dans un haut bavardage,  joyeux ramage au sommet. Les   troncs   des ormes,  alignés  comme les colonnes d’un temple avaient  en guise  de   chapiteaux  ,  de longues branches  qui faisaient voûte  .Elles s’agitaient dans le vent  comme les  bras  d’ une foule  de  fans   rythment  les refrains de la chanteuse vedette. Les corbeaux  jouaient   dans ces balancines  au rythme  de la  chanson  du vent ... A l’époque, J’allais souvent  voir  mes vieux parents le Dimanche midi pour le déjeuner. Après le café  si   on n' avait  pas de projet de  visite à quelque cousin ou de  ballade en voiture, je les laissais à leur fauteuil et à leur sieste , et  je faisais un tour, "promeneur solitaire" à la rencontre des corbeaux ,mes amis .C’était des corbeaux   « freux », nomades sans être vraiment  migrateurs, ils  aimaient se retrouver en bandes  et ça s’entendait  . Ils avaient  squatté   les grands arbres  et s’y retrouvaient    même, dit-on, au couchant pour chuchoter sous la lune jusqu'à l'aube.

    Dans la campagne, cherchant nourriture   dans les champs fumés et sous la neige, les corbeaux  faisaient tache.

    Joyeux sous les grands arbres, Ils avaient  dans la plaine  quelque chose d'inquiétant .Ils  me faisaient penser,   aux corbeaux que met en scène Villon dans sa ballade des pendus. (1).   Bruegel, dans ses paysages d’hiver a su les peindre  en noir sur  le givre blanc. En été, par contre, il les renvoie dans les clochers ou les tours de châteaux .Plus tard, durant l’âge d’or  de leur art, les peintres flamands   les expédieront   plus haut encore  dans   le ciel bleu et les nuages blancs  de leur plat pays .Ciels d’une profondeur étonnante    quand  on les  entrevoit    dans les  baies ouvertes  de leurs  riches intérieurs. Dans  le lointain, les corbeaux  deviennent  alors des points, des virgules, des trémas,  simples ponctuations dans l’azur.

    Brassens a chanté   la ballade des pendus, celle de Théodore de Bainville avec « ses essaims d’oiseaux réjouis, dans le verger  du roi louis » et fait rimer la rosée qui s’évapore avec les oiseaux qui picorent, mais  a-t-il  vu un jour   en  Flandres  une danse  macabre de corbeaux, essaim d’oiseaux    picorant   un  fumier  fumant   sur un sol gelé ? Peut être, l’a-t-il vu  mais au musée sans doute. Moi, Je les ai vu  de mes yeux vus, en bande, en" gang" tandis que je faisais  le tour du carré .C'était des corbeaux noirs, charognards et  relativement silencieux.. « Ami entends tu  le vol noir du corbeau sur nos  plaines "(1 bis) .Maurice Dron" de .Londres habillait de noir  la milice et les nazis et prêtait aux corbeaux  de noirs desseins que  ces pauvres bêtes  au vol lourd, n’avaient jamais eu..

     Le  carré, c’est la pièce   de terre, la plus proche de la ferme. On en faisait le tour  en un bon quart d’heure .C’était la promenade  du soir proposée par mon père  quand il prévoyait un joli  coucher de soleil. Le couchant  avec ses chaudes couleurs fascinait mon père. La maison d’ailleurs était  ouverte  à l’arrière   vers le couchant et  il avait aménagé le paysage  et fait des trouées dans le petit bois pour  admirer le disque  rouge   au fil des saisons. Le tour du carré où je vous emmène  me rappelle mon enfance et cette paisible promenade du soir  en famille à une époque où  il n’y avait pas d’images en boîte. Il fallait  marcher à la rencontre du paysage .Voici  donc  ce quart d’heure  du soir,  un  nouveau  " temps retrouvé" à la" recherche du temps perdu". Le carré est cultivé depuis la nuit des temps. Les cistertiens l’ont défriché à l’époque de St Bernard, il y a  plus de 1000 ans .Les moniales l’ont soigné jusqu’à la révolution .Ensuite vendu en bien national ,il  a porté  des moissons dans les bonnes et les mauvaises années ,mais aussi des pois, des  betteraves, du lin… Si vous m’avez suivi, je vous invite à tendre l’oreille. Les cris  des corbeaux ne ressemblent pas    en plaine, au charivari  de la bande qui s’égaye par grand vent  dans  les  ogives   des  ormes  alignés .D’abord, les corbeaux  sont bien élevés, ils ne parlent pas la bouche pleine, et ce depuis La fontaine  qui s’est moqué  du ramage et d’un  fromage perdu  au profit du renard . Ensuite leurs cris rares  s’étouffent  en se dispersant  dans l’immensité.

    A la recherche du temps perdu, j'ai souvent fait  le chauffeur de mon père .On laissait  la maman  qui accueillait les pauvres gens du pays  , écoutait leurs confidences  sur le canapé  et leur remontait le moral puis  on partait en virée à la recherche de ses  souvenirs.Une partie d'échec  chez son cousin d'Ecou,une visite dans les hauts pays  à son   cousin  Maurice,vieux   compagnon de chasse,une visite aux écuries  de  sa cousine préférée Agnés  mais aussi  des visites d'usine qui lui rappelaient  son passé de capitaine  d'industrie .On trainait parfois dans le village  ou il avait été maire.Tournant  à gauche et à droite  pour  admirer  les chantiers qu'il avait entrepris et achevé .La mairie dans le corps de garde  du donjon de Philippe de  Comines, un lotissement réussi, une place aménagée, une résidence pour  personnes âgées .C'était   un temps retrouvé , des souvenirs  brassés à la pelle qu'on ramenait plein  le coffre et la tête tandis  qu' au retour  on engageait la voiture dans l'avenue aux corbeaux.