Ailes et voile
Brève nouvelle romancée .Pure fiction à prendre surtout à la légère pour sourire, rêver et peut être rigoler.
par Ferdinand Ollbec.
« La brise solaire, l’azur et le gris mélangés, saisissant de vitesse le bord des choses sous le morcellement de la pluie, mêlent l’eau évolutive, l’air turbulent, les vivants volatils et les lueurs intermittentes, parmi le tambour rond du bruit de fond. Haute lessive de prime saison. » (1)
chapitre 1 Le chien
Tout est joie. L’allégresse vole et nage au large de tout (1)
Ils sont vingt et trente à s’éclater sur la plage. Comme des gamins, ils font la course .Ce sont des pilotes de char ; des chars sans canons que le vent du Nord pousse à tire- voile. Ils rasent le sol comme des hirondelles de mer , tandis qu’en voisins les kites colorés planent dans les airs et surfent sur la vague.
Fils du vent(2)! Sont-ils hommes ou oiseaux ? L’air remplit leur thorax, et gonfle leurs ailes, le feu embrase leur cœur .Sauront ils un jour s’ils ont deux âmes l’étroite et la grande ou simplement une seule, chutant souvent, mais s’élevant parfois, tournoyant sur la nappe d’un cône élargi à l’infini, pour voler… dans la turbulence du vent(1). Les kite ont bien deux âmes, je le sais : l’étroite et la grande. L’étroite, c’est quand ils barrent la plage avec les longues suspentes invisibles de leur parachute et ne supportent pas qu’un pilote de char roule dessus par mégarde .Petite âme et grande colère. La grande, elle, s’éclate dans la turbulence du vent .Grande âme et grand vent. Les pilotes eux aussi ont deux âmes. La petite quand ils hésitent à sortir par grand froid, pluie ou tempêtes, la grande plus souvent quand ils affrontent les éléments sans mollir.
Sur la plage , pieds à l’étrier , mains à l’écoute, les vingt et trente mènent un combat au corps à corps pour capter et domestiquer le vent ,le dominer quand il monte jusqu’à 7 , comme on mâte un pur-sang dit l’un qui se rappelle sa jeunesse rurale, comme on mène la quille quand la vague se creuse dit un autre qui navigue et se souvient de la dernière tempête. Tourbillonnants, pilote et char , tous deux connectés en hélices, vissées l’un en l’autre(1), dans la rafale.
Ce matin là, vent du Nord 25 nœuds force 6 à 7, les voila partis à tire d’aile vers l’Est, jusqu’au delà de l’épave. La plage est belle, la bruine a chassé les promeneurs mais se colle avec le sable aux visières des casques.
C’est au retour que l’incident va se produire .Un épagneul un peu fou fasciné par le ballet des triangles blancs, se met à courir. Insensible à l’appel de son maitre, Il coupe la caravane, court vers la mer, se retourne, fonce sur des grisards qui s’envolent lourdement , fait volte face et par tribord aborde de plein fouet le char suivant. Blessé, Le pauvre chien hurle puis gémit sa douleur .Son maître arrive en se hâtant, prend le chien dans les bras, indifférent au sang qui rougit sa veste.
-« Vous roulez trop vite, on devrait interdire les chars par grand vent »
-C’est votre chien qui a foncé sur le char et non l’inverse. Comment voulez vous qu’on l’évite quand il arrive de coté ?
-J’espère que vous avez une bonne assurance car mon chien a de la valeur.
--les chiens doivent être tenus en laisse, j' ai bien peur que l’assurance ne marche pas .Que ce soit celle du club ou la vôtre.
-Dans ce cas, je désire être dédommagé directement pour pouvoir acheter un chien avec pédigrée comme le mien.
-Pourquoi racheter un chien de valeur, si vous lui faites prendre des risques à le lâcher sur la plage par grands vents quand les chars sont de sortie. ?
-La plage appartient à tout le monde, c’est un espace de liberté, à vous d’être maître de votre vitesse.
- A vous plutôt de tenir votre chien en laisse. Si l’on portait plainte, vous encourriez une amende pour l’avoir laissé divaguer.
Dialogue de sourds sans proue ni poupe (sans queue ni tête). Chacun s’en retourne chez soi.
(1) Biogée de Michel Serres éd. dialogues .Le pommier
(2)C'est ainsi qu'on appelait les roms du temps où Hitler avait décidé de les exterminer.