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LA RIVIERE

« Les rivières sont des chemins qui marchent »(1)

 

Je descends de ma couchette comme une rivière sort de son lit. Je sors lentement en m'étirant comme une rivière en crue. Je sors du sommeil bercé par les clapotis d'usage. L'eau du broc dans la cuvette, le pipi dans le seau, les borborygmes de la vielle machine à café et la logorrhée des informations en continu. Aucun message sur le répondeur de mon portable, mon transistor me berce dans l'illusion d'être relié au monde alors qu'il ne me dit rien de ce qui se passe à ma porte. La rivière en effet s'est réveillée avant moi, elle a quitté son lit dans la nuit, elle a déjà envahi les roseaux et la cabane à outils qui s'y cache, elle s'étire sur les prés alentour et plus loin en aval, elle coupe le chemin qui mène au village. Ma hutte est devenue une presqu'île et je me rase tranquillement comme un anglais dans une jungle hostile. Mon oreille de chasseur à l'écoute des nouvelles du monde n'a pas entendu le glissement sournois d'une rivière en crue. Bientôt la hutte deviendra une île avant d'être immergée.

Je n'ai connu dans mon enfance que des rivières canalisées, sagement contenues par des palplanches rouillées, couvertes d'orties jusqu'au bord des cendrées noires des chemins de halage. Les rivières libres m'ont toujours fasciné et c'est pourquoi, quand j'ai quitté la plaine pour le haut pays, j'ai bâti ma hutte entre la rivière et le marais sur une petite butte boisée. Il a beaucoup plu ces dernières semaines. On a bien parlé de quelques  inondations  dans les hautes vallées mais ce n'est pas suffisant pour décourager un chasseur passionné d'autant que la pluie a cessé en soirée, et que les vents se sont mis au Nord. C'est donc  sous un ciel étoilé que j'ai pris le chemin qui longe le marais. L'automne s'annonçait déjà avec l'odeur  de cuir légèrement  acide des feuilles de peupliers qu'à chaque pas soulevaient  mes bottes. La hutte m'attendait camouflée comme un ouvrage de guerre avec ses meurtrières ouvertes sur le marais et la rivière. C'est la première fois que je venais seul la nuit chasser le canard. Une bonne épidémie de grippe a décimé mes compagnons de chasse et j'ai décidé malgré l'inquiétude de ma femme de tenter l'aventure.

(1) pensées de Pascal

 

 Note de l'auteur : Comme promis je vous emmène avec ce chasseur dans une histoire  dont les chapitres  vous seront servis chaque semaine, pendant les deux mois d'été. Je vous laisse dans la hutte de chasse, ne prenez pas froid, le chapitre  premier vous sera servi demain au petit déj ' en guise de croissant . . .

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