Espérance négative
Espérer ne serait ce pas vivre le temps de l’attente à la manière des dissidents ? Ni l’impatience de la jeunesse, ni la résignation de la vieillesse, mais une attente d’hommes et de femmes solides et patients.
Les dissidents et dissidentes ont vécu le temps de l’attente au Goulag ( en Sibérie ou ailleurs) sous des régimes qui avaient fait de l’histoire un absolu et qui écrasaient ceux qui ne mettaient pas leur pas dans le sens défini comme politiquement correct. Il existe encore en Chine des dissidents. Qu’ils soient chrétiens , bouddhistes , tibétains ,étudiants contestataires , citoyens de Hong Kong ou opposants politiques .Le régime ne les tue pas tous comme ont fait les nazis mais il étouffe leur velléité de penser et croire par eux même et d’exprimer quelque opinion sur différents sujets.
Vaclav Havel dans un discours à l’académie des sciences morales en 92 a expliqué ce que fut l’espérance des dissidents (1).
Une résistance à l’inhumain avec un doux entêtement.
Une foi dans la semence de justice qui germe et grandit dans l’humanité sans qu’on y soit vraiment pour quelque chose et qui finira par triompher. Mais pas la foi en un salut qui tomberait du ciel comme Godo chez Beckett.
Un regard admiratif pour le moindre pas vers plus d’humanité.
Une attente patiente et humble.
Développant des images empruntées à la sagesse des plantes , il disait du dissident qu’il ne lui fallait pas "attendre la floraison d’un lys qu’il n’avait pas planté" , qu’il ne lui fallait pas comme un enfant tirer sur une plante pour la faire pousser mais laisser le grain semé germer et grandir. Alors que sont mortes les grandes utopies du siècle dernier qui nous laissent sans grand projet et un peu déconfits ,pleins de question sur l’avenir même de l’humanité , il nous reste l’espérance « négative » , la résistance à l’inhumain et la foi en la sagesse de nos contemporains pour que germe dans notre monde une semence de justice et de fraternité.
Ce qui me frappe dans le discours de Vaclav Havel (1) c’est qu’il emploie les mêmes images que jésus quand il parle du Royaume .(2)
Ami lecteur, quelle espérance te fait vivre ? Quelle espérance fait vivre tes proches ? Tu peux utiliser les pages du blog dédiées aux commentaires pour t’exprimer. Cela enrichira la réflexion de tous et en ces temps d’après Pentecôte , éclairera la foi des croyants et les fera passer sous le porche de la deuxième vertu.(3)
(1)Discours à l’académie des sciences morales et politiques en 1992.
(2) « Il en va du royaume comme d’un homme qui jette sa semence en terre ; Qu’il dorme ou qu’il se lève, la nuit et le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle même la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi » Marc ch 4/26 à28.
(3) Charles Péguy.
Avez vous acquis mon dernier livre publié chez Tituli ? son tître "Les trois flèches" .A lire cet été, avant que ne sorte le livre suivant à l'automne.
Commentaires
L'espérance ne transforme pas, parce qu'elle est le fruit d'un manque projette à l'extérieur ce que nous ne pouvons trouver qu'en nous. C'est d'ailleurs le même phénomène pour la "résistance au mal" : en faisant d'un adjectif un nom, et quasiment un nom propre, nous projetons à l'extérieur la haine, l'angoisse, la cupidité, la peur qui nous habite, et nous ne voyons pas, nous ne voulons pas voir que nous sommes responsables, chacun personnellement, de l'état du monde, et j'ose le dire, que notre responsabilité est totale. A cause de la façon dont chacun de nous vit quotidiennement dans l'immaturité et l'inconscience, le monde est ce qu'il est. Nous ne pouvons rejeter la faute sur personne sauf à en faire un bouc émissaire. Je constate que l'espérance n'a transformé aucun chrétien, et j'en connais beaucoup, prêtres, évêques ou simples croyants. Tous se cooptent dans l'aveuglement, refusant de voir qu'ils comprennent aussi peu le Christ que ceux qui l'ont crucifié : ils continuent aujourd'hui à faire que le Christ le reste.
Votre commentaire, Cédric, me paraît bien pessimiste sur la nature des hommes. Je pense qu'il y a au contraire de la place à l'espérance, au sens étymologique du terme !
Je comprends tout à fait l'adjectif "négative" dans le même sens que le "négatif" d'une photo.
Mais, accolé au mot Espérance, n'est ce pas là une expression un peu "malheureuse", voire même "péjorative" pour qualifier l'Espérance, justement ?
Cela fait plutôt penser aux probabilités mathématiques, où l'espérance négative signifie qu'en moyenne, le joueur perdra à chaque essai..
Bien sûr, on parle ici de mots et d'expressions, mais celles ci ne portent elles pas en elles, justement le poids de toutes les significations et tous les sens qu'on leur a donné ?
Certes, l'expression insiste sur le fait d'attendre un peu "passivement" que les choses se passent, que les choses évoluent, que "de l'eau coule sous les ponts", et, quand il s'agit de prisonniers du ( ou "de") Goulag, sans grand espoir d'évasion ou de salut, peu d'Espérance, aussi, de s'en sortir, mais.... n'est ce pas là, justement le sens même du mot "Espérance"? "Perdre l'espoir n'est pas perdre le besoin d'espérance", dit encore Vaclav Havel. L'espérance, alors, ne serait elle pas plutôt dans "le pouvoir des hommes sans pouvoir", portés en eux-mêmes par les individus enfermés (enfermés "en eux") ?