Petits pois
On a toujours besoin d’un plus petit que soi…(1)
Un contrepet publicitaire fut longtemps attribué à mon père en tant que délégué au syndicat des conserveurs de légume.
« On a toujours besoin d’un petit pois chez soi. »
Mon père n’aimait pas les pois du jardin de ma mère, il préférait les pois en conserve. Ils étaient calibrés, disait il et au clac de la sertisseuse, toute la fraicheur du printemps était emprisonnée à vie dans la boite.
Les bonnes cuisinières les préparaient pourtant à la française. Dans une casserole à fond épais elles faisaient doucement revenir au beurre mignon, oignons grelots et belle laitue.
Historiquement les petits pois sont venus d'Italie .Ils ont conquis Versailles .Un certain Audiguier , officier de bouche les avaient ramené de la bas au printemps 1696. Dans une lettre au cardinal de Noailles , madame la marquise de Maintenon ecrit : « Le chapitre des pois dure toujours ;l’impatience d’en manger ,le plaisir den avoir mangé, et la joie d’en manger encore sont les trois points que nos princes traitent depuis quatre jours. » Quelle légèreté chez ces princes tandis que les pauvres gens à l'époque se contentaient de pois cassés "chichement" " partagés.
En effet,avant d’atteindre la cour des grands, le pois était sec et chiche à la table des manants. J’en sais quelque chose, en effet, durant l’occupation, en pension on avait droit à la purée de pois chiche tous les lundis. On appelait cela du macadam tant la purée était épaisse et collante. Ca sentait bien mauvais dans toute la maison jusque dans les étages.70 ans après, cette odeur me poursuit encore . j’en apprécie d’autant plus les extra fins subtilement sucrés et ce, quelle que soit la marque. J’ai eu la prudence de me trouver un nom d’auteur pour me protéger de conflits d’intérêt car : "Quand c'est bon..." .Comme le contrepet de mon père , ma pub est pour toute marque et tous pois ( en conserve bien entendu).J'ai demandé à mon éditrice de mettre mon patronyme sous le titre de mon prochain livre écrit en confinement ( voyage en bragardie ) le fera t elle ?
Un tableau de Pissaro confisqué durant l'occupation à Simon Bauer par le commissariat aux affaires juives représente la cueillette des pois à la main . Il a été placé dernièrement sous séquestre .Il s'agit d'une cueillette en bande comme s'est faite encore, longtemps après, la cueillette des haricots verts. .On a retrouvé le tableau, il est à Orsay.Cinq femmes , cueilleuses accroupies , Une chef de bande debout , Un bonhomme qui rassemble en bout de champ .Voila qui nous ramène au 19 me siècle, avant l’ère industrielle. quand personne ne conservait de petits pois chez soi sinon des pois chiches et cassés..
.(1)Il faut ,autant qu’on peut, obliger tout le monde
On a souvent besoin d’un plus petit que soi
de cette vérité, deux fables feront foi
Tant la chose en preuve abonde
Le lion et le rat
La colombe et la fourmi. 11 et 12
Commentaires
2/Serge
Dans mon ensemble jeans un peu grand pour mon mètre soixante-dix je me mets à table avec ces inconnus :
-« Je sors de prison. La canicule de l’année 76 ne prive pas les petits boulots, au port… je me vois encore tenter ma chance à Dunkerque. »
Lharicot :-« c’est tout à fait possible. »
Serge :-« Vous avez un téléphone ? »
Lharicot-« Voici. »
Serge :-«Tenez, Je vous passe ma ‘Sœur’. Elle tient un Bar à Lille. »
La Sœur :-« Il est reparti d’un bon pied, courageux, il se débrouille bien, mais sans argent. »
Dans ce mouchoir de poche Lharicot se plie en quatre, rabat la table murale,
installe le grand plat ovale, une assiette, les couverts et le pichet d’eau.
Il ramène un tabouret de vacher de la chambre d’à côté. Ainsi faut-il le dire, il porte mieux et dessert sur 360 degrés son amoureuse de cuisinière.
Un baiser plus tard, la jeune femme dépêche ‘les coquillettes’ fumantes posées sur la plaque électrique, au fond de sa passoire…le tout monté sur deux épaisses briques alvéolées de chantier.
Elle déverse dans’ l’assiette ovale’ les pâtes comme je les aime. Celle-ci immaculée et débordante se dessine immense dans la surface de ce presse purée de cuisine. Objets et vivants s’assemblent comme petits pois sucrés dans leur boite.
Elle retire le beurre fermier, l’emmental, le fond de jambon blanc du frigo.
Il assure quelques rotations, dépose délicatement entre chaise et tabouret sel et poivre, cornichons-oignons blancs au vinaigre, la râpe à fromage dessus.
Quarante ans après toutes ces odeurs de liberté me reviennent, me relèvent toujours et encore de mes faiblesses. Le loup est bien sorti du bois.
Lharicot - « Je m’appelle LHaricot et vous ? »
Serge :-« Serge. »
Lharicot-« Je suis aide-jardinier, et vous ? »
Serge- :« Rien, tolard, recherche du boulot »
Lharicot-« Serge, nous avons juste de quoi vivre, mais l’emploi est accessible, avec ou sans prétention, l’intérim, les petits patrons, les maraichers… »
Serge :-«Moi dans la vie, je vais droit au but. »
Nous dégustions de bon appétit.
Moi, le nerveux, je laisse là un bagage bien lourd.
Claire sur’petits pois’le 21/7/17.