Dunkerque 1940
« Dans la mer ou les morts se mêlent (2)aux varechs
Les bateaux renversés font des bonnets d’évêques » Aragon. Les yeux d’Elsa
Une flottille en action dans la rade et sur la plage et déjà bien des bateaux éventrés, quille en l’air, victimes des stukas de Goering..
Aragon, témoin , fait rimer le varech avec ces quilles retournées comme bonnets d’évêque .Jacques Duquesne a fait valser ces mitres en nouveaux chapitres sous un même titre . c’est Dunkerque 1940. « Nous étions là en première ligne, j’avais 10 ans »
Aragon arriva parmi nous les errants de Dunkerque et découvrît « cette mise en scène des deniers jours, cette lourde insomnie des sables et des ruines, cette traversée des flammes ».
: « Comment voulez vous que j’arrache du fond de mon œil les souvenirs de cette abominable vision ? . Comment pourrai je la décrire ?
Il y a des objets, le ciel, les êtres, les dunes les effondrements ….J’ai cherché partout une image aux deux sens de ce terme ou une métaphore pour vous parler de Dunkerque : orange éclatée, plomb fondu,hallali noir, piège de tonnerre et d’écume, kermesse de l’agonie…. tout n’est que dérision.
Dérision, oui ! mais "comment expliquer qu’ayant vécu ce monde là ,mon frère et moi à quelques dizaines de mètres d’une route par ou s’écoulait comme un fleuve affolé , débordant et charriant des épaves ,une foule mêlée de civils et de soldats ,de vagabonds et de familles, de blessés emmaillotés dans des pansements écarlates, entassés sur des charriots de toutes sortes…. ,comment expliquer je me répète que nous ayons pu ce jour là vivre quelques minutes heureuses."(1)
Un convoi anglais s’est garé sur le terrain devant la petite maison où nous avions trouvé abri pour la nuit.Ces soldats semblaient tout heureux de nous voir s’approcher de leur cantonnement .
Nous avons ce matin là fumé notre première cigarette, c’était une sénior service, je m’en souviens encore, alors même qu’aujourd’hui cette marque a sans doute disparue avec le naufrage complet de toutes les marques au profit d’une mise en garde sévère : « le tabac tue ».à l’époque c’était les stukas qui tuaient.
"Les soldats nous firent cadeau d’un petit phono dont on tend le ressort en tournant une manivelle avec un disque en vinyle et une chanson : « le grenadier de Flandre ».On a précieusement rangé ce trésor qui ne m’a pas quitté .Quatre vingt ans après ce phono est toujours dans mon grenier."
Sur la route de retour vers Téteghem ,à un carrefour , nous avons été sévèrement mitraillé. Nous nous sommes jetés à terre, paralysés, silencieux. et soudain nous l’avons vu. Il avançait seul, dans le silence sur la route qui venait de la droite. Une bête de sang noble, un cheval, la tête haute, le ventre ouvert.Pas trop mais assez pour laisser passer ce qui ressemblait à des tripes et nous avons compris qu’il allait mourir .Un noble. J’ai pensé un noble.
Quand nous nous sommes relevés, personne n’en a parlé. Une femme pleurait. Un gosse s’est mis à crier, tous les autres restaient silencieux. La grandeur de ce cheval invitait chacun à rester digne sous la mitraille, debout dans l’adversité et fier devant l’ennemi .
Voila le "spirit of Dunkerque" vécu par des civils français. Une forme de résilience qui deviendra peut être résistance à l'occupant.
.Voici donc ces quelques minutes heureuses. vécues dans l’enfer de Dunkerque 1940 . Christopher Nolan n’a sans doute pas vu l’opération dynamo avec le regard d’un enfant de 10 ans. Je suis allé voir son film dont on parle tant à Dunkerque . je ne dirai plus avec Apollinaire , même par dérision : « ah ! Dieu, que la guerre est jolie » !
Le regard de Nolan ressemble à celui d'Aragon:"orange éclatée et plomb fondu avec pièges de tonnerre et d'écume d'où surnagent les prouesses applaudies par la troupe d'un as de l'aviation(raf) , seul contre les escadrilles de Goering semeuses de mort .Un nouvel applaudissement;il est vrai, bref répit dans la tragédie , avec l'arrivée des bateaux de plaisance et des chalutiers ,"la patrie" mobilisée, pour sauver l'armée anglaise acculée à la mer."god save the queen."
(1)Dunkerque 1940 jacques Duquesne Flammarion.
Commentaires
7/1 Serge.
-« Y’a quelqu’un ? »
L’Haricot :-«Surprise surprise. Y’a nous ! Tu as fini bien tôt. «
Cocoth :-« Oui, Odile n’a pas de réunion ce soir. »
L’Haricot :-« Serge, c’est glissé dans sa nouvelle peau. »
Cocoth :-« Bravo ! Et moi j’ai mon four et ma cuve à mazout !»
L’Haricot :-« Beaucoup plus facile, pour un poulet à rôtir …broché
avec amour. »
Distribuant quelques baisers, sur la pointe des pieds pour
son L’Haricot, elle lui vole son verre, s’effondre
dans le siège d’osier, relève ses verres épais sur le haut du nez.
Elle allonge le cou vers ce lit carré, au Visiteur raciné
dans ses oreillers.
Cocoth-«Le matelas de tante Thérèse, l’épicière….a voyagé ces
quarante dernières années. Tout mou qu’il est, le voilà
bien entouré ! »
A la surprise de ses interlocuteurs, elle s’ouvrit.
Son enfance s’était conformée aux voyages. La France des
années 50, comme plaine de jeu, lui avait interdit toutes
relations extra-familiales réelles, chevillées au cœur.
Point de genoux disponibles, point d’oreilles attentives, point
de petit copain au détour du chemin : point d’enchantement.
Comme bouteille à la mer, aux grés des emplois paternels,
‘rafistoleur’ d’usines textiles exsangues .
Elle suivait.
Trop de faillites, trop d’énergie gaspillée à la lueur de son enfance.
Elle avait choisi l’oubli pur et simple de ce confort intellectuel
quand on fait semblant de tenir les deux bouts de la chaine familiale.
Suivre le haut patronage de sa Jacqueline de maman comme d’une
forme de réussite et tenir la fratrie ignorante d’ignorer les souffrances
des séparations incessantes.
Cette éphémère filiation, comme d’une conversation éphémère,
ne me laisse pas de bois:
Serge-« Allez au cœur des problèmes, pas être vainqueur et vaincu
en même temps.
Mais choisir.Bravo.»
Cooth :-« Quand le temps se resserre, dans le délire collectif de
l’invasion Allemande ce 18/5/40, dans le sillages des panzers,
l’infanterie.
Au sortir de Somain, quand la famille Bétrancourt, séparé d’un
Monôme de bêtes, civils, soldats, prend pour argent comptant la
mitraille de l’ennemi botté.
Que reste il du choix?
Le Papa et sa petite Berthe extraient du fossé la femme blessée.
Avec courage, à travers champs, tantôt l’homme, tantôt la petite
de prendre les soins, de pousser, tirer cette brouette dans une
interminable marche vers l’hôpital de Cambrai pavoisée aux
couleurs nazi.
Claire sur ,Dunkerque 1940., le 1/9/17