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agélate

l’AGELATE

 

 

 

L’agélate (1) c’est celui qui ne sait pas rire. « Les agélates prennent pour hérésies de joyeuses folâtries » écrit Rabelais au cardinal de Chatillon en prologue au quart livre .Ceci est vrai des monstres froids des appareils : on ne riait pas sous l’inquisition pas plus qu’à Téhéran aujourd’hui, mais pas non plus sous Staline ou sous Hitler quand l’Histoire avait remplacé Dieu. On ne rit pas tous les jours non plus dans les périodes révolutionnaires même les plus chaleureuses et juvéniles .St Just avait 25 ans quand on le nommait déjà «l’archange de la terreur». Dans son fameux roman « La plaisanterie »(2), Milan Kundera nous fait découvrir l’intolérance  joyeuse  et candide des étudiants communistes de Prague en 1948. Incapables d’humour , ils condamnent leur  héros pour une simple plaisanterie griffonnée au dos d’une carte postale .Vingt ans après ,le printemps de Prague « explosion d’un scepticisme post- révolutionnaire » ,sera « une révolte populaire des modérés» écrit Kundera .Ce n’est pas encore le rire mais surement l’humour ironique de l’honnête homme qui « veut crever les baudruches en dénonçant les ravages provoqués par la prétention humaine à occuper la place que Dieu a laissé vacante. »(3) Cet humour là se rencontre à chaque page d’évangile, Jésus crève ainsi la baudruche du « chauvinisme » du Peuple « Elu »  à Nazareth son pays en parlant du général syrien Naaman guérit par Elisée. Il se heurte à une foule de concitoyens Agélates furieux qui veulent le tuer (4) Face aux pharisiens, Jésus crève avec humour la baudruche de l’hypocrisie. Sépulcres blanchis, ces tartuffes pratiquent la religion pour se faire remarquer(5) .On pourrait citer également la manière plaisante dont Jésus déjoue les pièges tendus par ses adversaires. Ainsi le piège à propos de l’impôt du à Caesar(6) ou celui de la femme adultère(7).Là aussi l’humour fait reculer les agélates dépités.

A coté de cet humour qui permet de prendre la bonne distance avec soi même, mais aussi avec les prétentieux, les hypocrites, les idéologues coincés qui «  habitent leur vérité », il y a le rire :

Je ne parle pas du rire gras des chambrées ni du rire persifleur et corrosif des moqueurs professionnels, mais du bon rire éclatant qui accompagne une histoire fine, un quiproquo, une bonne blague, une   « joyeuse folâtrerie ».Ce rire là est une grâce de jouvence, un grand bol d’air frais qui fait vivre et revivre. C’est le meilleur antidote contre les «  agelâtes patibulaires ».

Au chêne de Membré ,c’est le rire légendaire de Sara la femme d’Abraham quand les Visiteurs lui annoncent que dans sa vieillesse elle mettra au monde un fils au printemps prochain.(8) Si un bonhomme triste est un triste bonhomme, esclaffons nous gaiement avec Sara et ses visiteurs à la barbe des tristes sires aux mines patibulaires qui ne rient que quand ils se brûlent et  ne plissent les lèvres  en rictus  que lorsque  l'eau  de la douche est mal réglée et  brûlante.

 

 

(1) du grec « a-gélastos » : qui ne rit pas.

(2)Milan Kundera, la plaisanterie Gallimard

(3) Préface de Kundera pour Miracle en Bohème de Skvorecky cité par Alain Finkielkraut dans Cœur intelligent chez Stock/Flammarion

(4)Luc ch. 4 /16 à 28 : « mais lui, passant au milieu d’eux, alla son chemin. »

(5) Matthieu ch.6 / 16 à 18 : »Quand vous jeûnez… »,Ch.7 / 1 à 5 : « la paille et la poutre » etc…

(6)Luc ch.20/20à26 : « rendez à Caesar ce qui est à Caesar et à Dieu ce qui est à Dieu ».

(7) Jean ch.8/1à11 : « que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre »

(8) « Mais si Sara tu as ri ! » Aujourd’hui encore ce grand éclat de rire illumine mes oreilles. D’ailleurs à la naissance d’Isaac – en hébreu, «  il a ri », tu t’écries : »Dieu m’a donné sujet de rire ! Quiconque l’apprendra rira à mon sujet » gén ch.21/6.Cité par Gabriel Ringlet dans l’Evangile d’un libre penseur (Albin Michel) .Il ajoute : «  Oui Sara, je ris à ton sujet. Mais ce n’est pas un rire moqueur. Je ris de connivence, Je ris d’amitié et de complicité. »

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