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  • chuchotement

     

    Pour les six prochaines semaines  je vais publier, chapitre après chapitre une nouvelle qui a pour cadre Vavre  dans le haut beaujolais . 

     

     

     

     

     

    Chapitre un

    Le chuchotement

    « Je laisse venir à moi

    l'enfance du monde

    avec celle du language

    ,

    J'ouvre les yeux

    je vois

    je les ferme, j'écoute

     

    Ce que je saisis

    sans bouger de mon port d'attache

    vient s'abriter en moi

    comme dans une arche de Noé,

    le monde alentour

    captive mon inquiétude

    je le sauve du naufrage.

     

    Christophe Hardy appétit d'espace Tituli (2)

     

     

     

     

     

    C’est comme le long chuintement  d':un robinet mal fermé , le chapelet murmuré par une très vielle dame sans dents dans le silence d'un sanctuaire.

    Les deux gamines embauchées pour un soir comme baby- sister se sont installées au rez- de chaussée tandis que leurs protégés de 15 et 35 mois dorment à l’étage.

    J’étais moi aussi à l’étage et j' entendais au travers des lambris du plafond , le chuintement continu de la conversation des petites demoiselles.Une causerie continue ,un murmure sans fin. comme un robinet qui fuit. Qu’avaient-elles donc à se dire ? Leur conversation, une logorrhée monotone, a fini par m’endormir.

    De mon lit à l’étage, je ne distinguais pas les paroles . Bien dommage car je crois que cela m’aurait amusé comme il me souvient avoir bien ri en allant voir et surtout entendre dans les contes d’été d’Eric Rohmer , les conversations des petites demoiselles qu’il mettait en scène à l'heure bleue quand les cerfs ont cessé de bramer et que coqs et passereaux sommeillent encore.

    .

    Par deux fois je suis descendu proposer aux jeunes filles de veiller moi-même sur les enfants. Je pensai s libérer leur soirée et en m^me temps me libérer du borborisme lassant de leurs double monologues . Mais elles avaient sans doute trop de choses à se dire et la conscience professionnelle que les jeunes gens mettent dans les premiers jobs d’été. Elles étaient bien installées dans de profonds fauteuils, et ne les ont quittés qu’au retour de leurs patrons d’un soir.

    Le murmure continu était sans éclat, il n’était à l’oreille, ni persiflage, ni commérage. C’était La conversation paisible de deux bonnes filles du hameau d’à coté, venues à pied de la ferme d'en haut jusqu'au au manoir en longeant les prés pour veiller au sommeil des bambins tandis que les parents étaient en route chez des amis . Ce qui m’étonnait, c’est la continuité du flot de paroles .Aucune interruption de l’une à l’autre. Les deux voix avaient le même ton, la brune et la blonde parlaient à l’unisson. C'était comme la chanson du ruisseau des moulins qui monte de la combe en Savoie et me rejoint sous les combles.. . Stendhal dit que « La parole aurait été donnée à l’homme pour cacher sa pensée » ?(2) Mais ces deux filles n’avaient rien à se cacher, au contraire, elles parlaient et racontaient : leurs vacances, leurs rencontres, leurs amours, leurs projets et bien d'autres choses encore. je me suis finalement endormi ,laissant aux demoiselles le soin de veiller sur les enfants .