contre les nuisances sonores provoquées par de petits avions, les gens s'organisent et provoquent la colére de certains pilotes qui ne veulent pas déménager .
Chapitre cinquième
Obstruction
«- Allo, Monsieur Durand ! ici Cander du Marais clair. J’ai changé d’avis. Je ne vends plus ma terre.
-« Ah bon ! C’est sans appel ? Je ne dois pas insister ? J’avais justement l’intention de venir vous voir demain avec Bloch. Est- ce la peine de venir ? Est-ce une question d’argent ?
-« Non, pas du tout. Le prix proposé est correct, mais Il y en a ici qui ne sont plus d’accord avec l’implantation d’un terrain d’aviation. Je risque gros à passer outre. »
-« Oui, peut-on savoir qui sont ces gens qui font une pression assez forte pour vous faire changer d’avis ? »
-« Je préfère ne pas en parler, surtout au téléphone »
-« Justement, si je viens demain, on pourra en parler de vive voix, dans la discrétion »
-« Bon ! Ecoutez, c’est bien parce que c’est vous. Je vous attends pour le café demain au début de l’après midi .On verra ».
La ferme est de toute beauté. Un immense carré fermé de granges, d’écuries et d’étables entourant une cour impeccable avec un bassin d’eau et la vielle tour du pigeonnier. Cander me reçoit dans ce qui reste de l’ancienne demeure des moines et dont il a fait son habitation.
-« C’est la commune du Marais- clair qui s’oppose au projet, elle a diligenté une enquête administrative avec avis défavorable. J’ai pourtant dit qu’il ne s’agissait pas d’une usine, il ne faut tracer que quelques pistes. Ce n’est pas un aéroport bétonné mais un champ d’aviation ; ça reste donc bien un champ où je pourrais récolter le foin au printemps puis le regain à l’automne. »
-« Je ne comprends pas ! Le maire était d’accord avec le projet ».
« -oui, il est venu plusieurs fois pour encourager sa réalisation. Et tout d’un coup, il change d’avis, sans explication. Je lui ai dit que vous veniez aujourd’hui, il ne veut pas vous recevoir, pourtant c’est son jour de permanence. Quelqu’un fait sans doute une forte pression sur lui, le menace peut être. »
-« Plus rien ne m’étonne, j’ai moi-même reçu des menaces et subit une agression qui aurait pu être très grave. Il y a chez les pilotes et les parachutistes, des gens prêts à tout et même à tuer pour faire capoter notre projet .Ce ne sont plus des sportifs mais des voyous. Du coté des paras, il ya quelques durs au crane rasé qui ne connaissent que la force »
-« Sans vous annoncer, vous pourriez aller à la permanence du maire maintenant. C’est à partir de quatorze heures en mairie. »
C’est ainsi qu’après le café à la ferme, on s’est retrouvé Bloch et moi dans la salle d’attente du maire. Il n’a pas caché sa contrariété de nous voir, mais n’a pas osé nous éconduire.
-« Que désirez-vous ? Si c’est pour votre projet, c’est non. Pas la peine d’insister. »
-« Avez-vous une explication à donner à ceux qui nous envoient .Pourquoi ce revirement ? Avez-vous reçu des menaces ? »
« Non ! Enfin, pas directement ! Mais on m’a fait comprendre qu’il y aurait dans cette affaire des blocages à tous les niveaux. Les paras ne sont pas trop à craindre, mais du coté pilote, il y a des gens bien placés. C’est un lobby puissant qui a des appuis au département et à la région.».
-« Et vous vous laisser impressionner par ce lobby au point de renoncer au projet. Vous me décevez monsieur le maire. Vous reculez devant des fils de famille qui ont reçu leur zinc pour leurs 20 ans en cadeau anniversaire, font un bruit pas possible dans le ciel d’une métropole de plus d’un million d’habitants et font les enfants gâtés quand on leur demande d’aller jouer ailleurs».
-« Désolé de vous faire faux bond ».
-« Savez-vous qui mène le lobby des pilotes ?
-« J’ai quelques noms, oui ! Il y a les grands noms de la finance, du commerce et de l’industrie, mais deux générations en dessous, leurs petits enfants,… il y a aussi un conseiller général très influent et le fils d’un conseiller général du pas de calais qui a l’oreille du président de région. Quand tous ces gens là font bloc au « bar de l’escadrille », ils se mobilisent et se prennent tous pour les as des as , pour Guynemer en 1915 , prêts à mitrailler leurs adversaires en plein vol et à bombarder ceux qui s’opposent à eux.. » En plus, j’ai contre moi la société de chasse de la grande forêt, les verts du canton et les services des eaux et forêts qui ont alerté leur ministère de tutelle. Avouez que ça commence à faire beaucoup d’opposants ! »
-Oui ! c’est vrai.. J’ai failli recevoir un pavé qui tombait du ciel .Cela ne m’a pas refroidi mais simplement troublé ma sieste du Dimanche et démoli mon massif de bégonias. Je ne vous demande pas d’affronter tous ces excités mais simplement par délibération municipale, retirer l’avis défavorable de la commune. On s’occupera du reste».
-« Ce n’est pas si simple, croyez le bien. Revenir en arrière risque de m’attirer des ennuis. J’ai reçu des menaces larvées ».
-« Avez-vous des enregistrements, des écrits qui peuvent témoigner de ces menaces ? »
- « La plupart du temps les propos ne sont qu’allusifs et prononcés sans témoins mais j’ai gardé un document écrit ou les choses sont plus claires. C’est un mail adressé par un conseiller général du Pas de calais à un pilote, membre du club d’aviation qui me l’a envoyé. En réponse à une demande d’intervention pour empêcher tout déménagement de la base, le message invite clairement le pilote à l’action musclée : « Il vous suffit d’intimider quelques décideurs bien choisis et les choses rentreront dans l’ordre. Les décideurs sont rarement courageux au point d’ignorer les menaces ».Je figure en bonne place dans la liste des décideurs à intimider .Vous y êtes vous aussi ainsi que vous monsieur Bloch, il y a bien sûr Ceugniez, le prof et quelques autres. »
-«Moi, les menaces ne m’intimident pas. Au contraire elles réveillent mon désir de me battre .Ce ne sont pas quelques bégonias déflorés par un pavé de l’enfer du Nord qui vont me faire reculer. Ils ont osé raccourcir la sieste du Dimanche d’un paisible retraité, là est le vrai crime, il ne restera pas impuni. Pouvez-vous me fournir une photocopie de ce mail ?».