LE PARTI PRIS DE L’ESPERANCE (1)
« Il reviendra juger les vivants et les morts », Les chrétiens croient au retour du Christ, ils l’affirment du moins dans leur crédo chaque Dimanche. Cependant bien peu aspirent à ce retour, bien peu prient pour que Jésus revienne, personne n’est pressé de le voir revenir, même ceux qui sont affrontés à la souffrance. Ils se moquent même des témoins de Jéhovah et autres sectes millénaristes qui annoncent régulièrement la fin du monde. L’an 2000 n’a pas suscité de panique et encore moins de faux espoirs comme 1000 ans avant .Il semble que l’espérance est morte, du moins cette espérance là qui a tant marqué les premières générations de chrétiens, et dont témoigne les écritures. « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde »Beaucoup de chrétiens vivent cette présence de Jésus au quotidien selon sa promesse mais ils ont oublié « la fin du monde ». Jésus aurait dit jusqu’à la saint glin- glin ce serait pareil. Du « Venez divin messie » de mon enfance à « Maranata »d’aujourd’hui, ils chantent :" Viens Seigneur" , mais le cœur n’y est pas. Les chants de l’Avent, temps de l’attente parlent de la venue de Jésus et de son royaume dans le cœur des hommes .Ils évoquent parfois le « dernier jour » mais au 4 éme couplet , quand ce n’est pas au 7 éme ou au 9 émé et de manière poétique : c’est l’aube, l’aurore, le jour qui se lève ,le soleil qui va luire ,l’éclat soudain du jour d’éternité ,un ciel nouveau, le royaume des sauvés, la terre promise ,le grand soleil du jour promis . Quand ils chantent sa venue au futur c’est sous forme interrogative « reviendra-t-il sur nos chemins ? Ou « trouvera t il quand il viendra ? Partagez vous cette constatation ? Peut être, comme les vierges sages de Matthieu(2), êtes vous de ceux qui veillent dans la nuit le retour du Seigneur ? En ce cas, réagissez, dites moi que je me trompe, j’attends vos réflexions. Les mayas et les aztèques attendaient, dit on, le retour d'un dieu blond nommé Quetzalcóatl. Un étudiant allemand de Dresde découvre en 1880 "les mystères des mayas «et leur calendrier échappés à la rage destructrice des conquistadors espagnols. Ses calculs l'amènent à dater le retour de Quetzalcóatl et la fin du monde. Ce serait le 22 Décembre 2012 à 0h45 .Bigre !! (il aurait pu nous laisser un dernier Noël !) Espérons que la sagesse des nations à Copenhague retarderont l' apocalypse du moins sous forme de catastrophe écologique . Pour le reste c'est téléologiquement et theologiquement, le secret du Pére.(Marc ch.13/ 32)
Le retard du retour de Jésus
Dans la deuxième épitre de Pierre au chapitre 3,l’auteur (en 125 après Jésus Christ sans doute) est très sévère pour ceux qui n’attendent plus le retour du Seigneur : ce sont des « sceptiques moqueurs menés par leurs passions personnelles »ces gens qui disent « où en est la promesse de son avènement alors que tout demeure dans l’état depuis la création »Voici le commentaire de l’auteur de cette lettre : « N’oubliez pas ,mes amis, que pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans et mille ans est comme un jour .Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse ,mais il fait preuve de patience envers vous…., voulant que tous parviennent à la conversion .Le jour du Seigneur viendra comme un voleur….Nous attendons selon sa promesse des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habitera».C’était en 125,nous sommes en 2009 .Si pour le Seigneur mille ans c’est comme un jour, pour nous , c’est bien long et 2000 ans c’est doublement long. Comme les dix vierges de Matthieu nous nous sommes peut être endormies. Je ne pense pas que nous soyons les « sceptiques moqueurs »que dénonçait l’épître de St Pierre .Simplement nous entamons notre 3éme millénaire et nous n’envisageons pas que tout s’arrête avant son terme. Et si Quetzalcóatl revenait avant Jésus ? 2012 n’est plus loin. ! Sombre apocalypse !
Une espérance comme une attente
" Rendre indispensable l’impossible » Voila ce que disait Bronislaw Geremek qui nous a quitté l’an dernier dans un accident de voiture. ( il aurait fait un bon président pour l’Europe) Cet homme comme nombre de dissidents a vécu l’espérance comme une longue attente.
Vaclav Havel dans un beau discours à l’académie des sciences morales et politiques en1992 décrit ce que fût cette attente :
-En attendant Godo .Beaucoup, perdant l’espoir de faire bouger les choses, se sont mis à espérer en un vague salut venant de l’extérieur..C’était « une espérance d’individus sans espoir »comme les personnages de Beckett sur le banc..
-D’autres, « vivaient l’attente en tant que patience animée par la croyance que résister en disant la vérité est une question de principe, tout simplement par ce qu’on doit le faire. » .
-D’autres enfin vivaient « une attente inspirée par la conviction que la graine semée prendra racine et germera un jour .Nul ne sait quand ».Cette dissidence « cultivait la patience …l’attente en tant que patience, comme un état d’espérance » Et Il ajoute : « une attente qui a un sens parce que générée par l’espoir et non par le désespoir, par la foi non par la désespérance par l’humilité devant le temps de ce monde… une telle attente est plus qu’une simple attente. C’est la vie, la vie en tant que participation joyeuse au miracle de l’Etre».
Ce qui me touche dans le discours de Vaclav Havel,, c’est que pour décrire l’espérance des dissidents, il emploie les images dont se servait Jésus pour parler du Royaume. La patience du semeur.qui « attend la germination », « il faut semer patiemment les graines, arroser avec assiduité la terre où elles sont semées et accorder aux plantes le temps qui leur est propre. » »On ne peut duper une plante,…mais on peut l’arroser, patiemment, tous les jours. Avec compréhension, avec humilité, certes, mais aussi avec amour ».
Voila une espérance en acte ! Un acte d’espérance ! Un parti pris d’espérance.
Les chrétiens, n’ont-ils pas à vivre le temps de l’’attente à la manière des dissidents ?
Une résistance à l’inhumain (3) avec le doux entêtement, et la patience du prophète de Galilée.
La foi dans la semence de justice et d’amour qui germe et grandit « que l’on dorme ou que l’on soit debout » Marc ch. 4/26à29. Donner du prix et encourager tout pas vers plus d’humanité. Mais aussi, ne pas attendre un salut qui comme Godo viendrait d’ailleurs. « Ne pas attendre la floraison d’un lys que nous n’avons pas planté »
Espérer dans l’attente avec « humilité et amour ». Ne pas céder à l’impatience et vouloir comme « un enfant tirer sur une plante pour la faire pousser »
« Participer joyeusement au miracle de l’être » Ajoute Vaclav Havel. Voila qui devrait parler aux familiers de l’Evangile des béatitudes.
Aimer l’espérance, croire au bonheur
« Dis moi ton espérance » c’est le titre d’un livre de Guy Coq (4) qui avoue d’emblée dans son introduction que » comme beaucoup de ses contemporains, que le désespoir attire, il n’a pas aimé l’espérance ». C’est que « les utopies les plus belles ont accouchées du pire ». Et ont fait du 20 éme siècle la période la plus sombre de l’histoire humaine. Le lieu de mon espérance finalement, c’est l’Evangile, dit Guy Coq.
C’’est le refus devant l’espérance .qui a longtemps fait obstacle pour moi, alors qu’elle est première dans toutes les foules que rencontre Jésus. Bien avant la foi, Jésus soulève une immense espérance par ses gestes envers les malades, les rejetés et exclus de son époque, la radicalité de ses prises de position, la révélation de la bonne nouvelle de l’Amour de Dieu, ses promesses de bonheur. Une espérance qui étonne Dieu lui même d’après Péguy(5) « Et moi, Je ne croyais pas au bonheur ». Guy coq raconte une histoire, celle d’un saint, qui ne croyait pas au bonheur. Quand il s’était présenté à sa mort devant le Christ, celui-ci lui a dit : « Tout est parfait dans ta vie, mais il y manque quelque chose d’essentiel : tu n’as pas cru au bonheur ! Alors tu vas recommencer ta vie mortelle en prenant appui sur la foi au bonheur, tu devras revivre ta vie avec en plus, au fond de toi, l’espérance illimitée du bonheur » Ainsi fut fait conclut l’auteur.
(1) profession de foi de ‘Action catholique ouvriére
(2)Matthieu ch.25 :1à13
(3) Cette résistance ne serait elle pas la mise en œuvre de « l’utopie négative » dont nous parle Guy Coq.
(4) Dis moi ton espérance le seuil
(5) Le porche du mystère de la deuxième vertu : « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance.... la foi ça ne m'étonne pas ,j'éclate tellement dans ma création »
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