hier ist kein warum (ici pas de pourquoi )
« Quand aura lieu l’inhumation du bébé ? » Le prêtre demande cela à l’employé des pompes funèbres qui lui répond : « elle aura lieu cet après midi, au cimetière ».Il y est allé et s’est retrouvé seul. La maman est mise en examen et en prison .Elle se serait débarrassé du petit dans une poubelle. Le grand frère qui a découvert le cadavre et signalé la chose est trop retourné pour assister aux funérailles. Que faire et surtout que dire ?
Rien ! Ne rien dire ! Le silence, une méditation douloureuse et silencieuse. Ce jour là dans ce cimetière comme à Auswitch en 43, il n’y a pas de pourquoi. Même pas de pourquoi les enfants, pourquoi le petit. Et pas de réponse non plus." Pourquoi Dieu permet il que des enfants soient abandonnés ,demande une gamine au pape en Argentine. Il est est resté sans voix..
Camus dans « la peste » raconte que le Jésuite , le pére Paneloux chargé de l’homélie dans la cathédrale de la ville d’Oran ravagée par la peste invite son auditoire à se mettre à genoux : « le temps de peste exige une religion de temps de peste .Vous avez péché, .Vous savez désormais ce qu’est le péché comme l’ont su avant vous les illustres membres de la cohorte des maudits dont Job » .Mais voici que lui saute au visage la mort du jeune Philippe fils du juge Othon , il se tait soudain tandis que « les plaintes du vent s’engouffrent sous les portes » Dés qu’il reprend son prêche et touche à la mort des enfants ,il sent son auditoire lui échapper comme si ses paroles ne lui appartenaient plus. Il ne peut expliquer ce qui demeure inexplicable. La peste n’a pas fait le tri.Les méchants et les bons, les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes,les grands et surtout les petits. Le père Paneloux demande alors qu’on accueille l’injustice de la souffrance sans la comprendre. " Il faut tout croire ou tout nier" mais il serait indécent devant des parents qui ont perdu un enfant de parler du paradis, il se tait et laisse la plainte lancinante du vent siffler longuement sous les portes de la cathédrale .
L’enfant nous renvoie à l’innocence, autre sensibilité de Camus qui n’acceptait pas la violence aveugle d’attentats qui tuent des innocents .On a retrouvé dans la Facel –Véga écrasée contre un arbre le 4 Janvier 60 l’ébauche d’ une autobiographie romancée, qui sera publiée de manière posthume sous le titre : « le premier homme » .Il nous parle de son père Lucien Camus , alias Cormery qui refusait toute violence contre des innocents. « Un homme, ça s’empêche, ça ne cède pas à la vengeance aveugle, ça ne pose pas des bombes dans les autobus pour tuer des femmes et des enfants ».
« Il n’y a pas de pourquoi ! C’est parce que c’est comme ça !» . « Oui, mais il y a des français dans cette guerre d’Algérie qui ne s’empêchent pas non plus » « Eh bien, eux non plus ce ne sont pas des hommes ». Camus n’a finalement hérité de son père que cette phrase lapidaire « un homme ça s’empêche » alors que son compagnon s’efforçait de comprendre avant de condamner, Cormery voyait rouge et bégayait d’indignation.
« Rien ne le révoltait davantage que l’escamotage de l’horreur par l’intelligence de son interprétation ». Un homme ça s’empêche, un point c’est tout ! Aucune cause, même la plus noble, ne peut justifier la violence envers des innocents et encore moins des enfants. Cette règle ne souffre pas d’exception. L’homme qui se révolte est en même temps l’homme qui se résiste, qui s’empéche. » Cormery d’une voix sourde avait ajouté : « Moi je suis pauvre, je sors de l’orphelinat, on me met cet uniforme sur le dos, on me traine à la guerre mais je m’empêche. » Le sort de Cormery n’est guère plus enviable que celui des poseurs de bombe, il pourrait s’exonérer de la norme morale par la critique sociale, or il ne le fait pas. Il ne lâche pas la bride à sa rage. C’est donc en connaissance de cause qu’il affirme qu’à l’opprimé tout n’est pas permis.et que la misère ne saurait constituer un droit au mal.(1)
Devant le petit cercueil de cet enfant délaissé, sous le crachin et le ciel plombé du cimetière, le prêtre s’interroge mais ne trouve pas de réponse à ses pourquoi. Il se tait et prie. « C’est ça ! Prie et tais-toi ! Il n’y a rien d’autre à faire, lui chuchote en ricanant l’athée de service. A t il raison ? Un chrétien fut il prêtre, ça « s’empêche » et parfois aussi ça prie .Eh oui! Que voulez vous on ne se refait pas !
Et le pardon ? Que faites vous de la miséricorde ? Ca ! C'est l"affaire de Dieu . Seul ,Il a le cœur assez large .C'est sans doute pour cela que sur la croix Jésus a demandé à son Père de pardonner à ses bourreaux, de pardonner à sa place ?
(1) Dans l’homme révolté ,Camus élargit son analyse : "Pour assurer la victoire de l’esclave insurgé, la passion révolutionnaire s’est acharnée contre cette double révélation par la révolte , de la limite et de la nature .Au nom de la révolte ,la Terreur s’est installée et Staline a mis Spartacus dans un camp de concentration"