Tityre
Un jour que je chantais les rois et les combats, Apollon me tira l’oreille et me fit la leçon :« Un berger Tityre doit paître de grasses brebis et chanter de simples chansons »
.« O Tityre tire de ton chalumeau des airs champêtres (1)» et ce sera très bien. Ne force pas ton talent ! Ne joue pas dans la cour des grands.
Ce qui est vrai du berger l’est aussi du cordonnier : « Sutor ne supra crépidam » : Cordonnier pas au dessus de la chaussure, ce qui est vrai du cordonnier l’est aussi du carnavaleux dunkerquois : Masquelourd ne pete pas plus haut que ton postérieur .
Tout cela pour nous inviter non pas d’abord à la modestie ni non plus à l’humilité mais simplement à être soi même, à dire oui à la vie.
« Dire oui à la vie, c’est une attitude intérieure qui nous ouvre au mouvement de la vie , à ses imprévus, ses inattendus et ses surprises. Accepter les balancements des joies et des peines, des bonheurs et des malheurs, accepter la vie telle qu’elle est. »(2)
Pour cela il faut se connaitre soi même. « C’est par la connaissance de soi et de la vraie nature des choses que l’homme se libère du vice et du malheur »(3).
Pour cela il faut s’aimer soi même, disait Aristote.(4)
Pour cela il faut vivre au présent : hic et nunc et s’y engager car le présent est le seul sur lequel on peut agir(2)
Pour cela il faut cultiver l’humour qui dédramatise en créant une distance nécessaire (2)
Pour cela Faut-il comme le dit Virgile rester à la campagne, faire la sieste à l’ombre d’un hêtre feuillu? Cultiver la paresse ? Se reposer dans un univers familier ?
Heureux vieillard ! Ici, entre des rivières connues
et des sources sacrées, tu rechercheras la fraîcheur de l’ombre !
De là, comme toujours, à la lisière du champ voisin,
la haie, où les abeilles de l’Hybla butinent la fleur du saule,
Souvent t’incitera à plonger dans le sommeil, par son léger murmure ;
de là, sous la haute roche, chantera l’émondeur dans les airs ;
et toutefois, pendant ce temps, ni les palombes à la voix rauque, objets de tes soins,
ni la tourterelle ne cesseront de gémir du haut de l’orme.(1).
Le rêve d’une vie de solitude n’est pas partagé par tous .Beaucoup ont peur du silence, de se retrouver seuls avec eux même .Il est vrai qu’ il ne suffit pas de s’allonger comme Tityre à l’ombre d’un hêtre feuillu pour faire taire les pensées qui s’agitent dans la tête, pour trouver le vrai silence et la paix intérieure. Le maître bouddhiste japonais Taisen Dechimaru , maître de zen, cité par Frédéric Lenoir (2)comparait l’esprit de chacun de nous à un verre d’eau boueuse. Il suffit de poser ce verre sur une table sans l’agiter pour que le liquide se décante : la boue tombe au fond du verre, l’eau s’éclaircit. Quand on cesse d’agiter son esprit, les pensées lourdes se déposent au fond, et l’eau de la conscience se clarifie. Il suffit parfois de faire 5 minutes de silence sur place pour trouver la sérénité. Laissons la campagne à Tityre et aux campagnards en attendant l’été pour s’allonger après la marche à l’ombre d’un hêtre feuillu ,et sans attendre, débranchons le portable et prenons le temps du silence.
(1) Virgile :Bucholiques : « Couché sous le vaste feuillage de ce hêtre ,tu essayes o Tityre ,un air champêtre sur tes légers pipeaux » "Tityre,tu patulae recubans sub tegmine fagi....."
(2) Frédéric Lenoir petit traité de vie intérieure. Plon..
(3) Socrate
(4)Ethique à Nicomaque : « C’est en partant de cette relation de soi même à soi même que tous les sentiments qui constituent l’amitié sont par la suite étendus aux autres hommes… » Est cela que Jésus entend quand il invite à aimer son prochain comme soi même ?