2012 ,je vous ai dit mon projet de me rendre en pèlerin à Assisse à la mi-aout. J’invitai les uns et les autres à marcher vers cette ville paisible et symbole de paix pleine du souvenir de François, le « povérello » .
Prévoyant la canicule, beaucoup se sont désistés. Il est vrai que cette ville doit être plus agréable à vivre au printemps ou à l’automne qu’au mois d’Aout en pleine cagne.
J’y suis allé néanmoins avec mon ami Paul, capucin-métallo retraité de son état et ne le regrette pas. Je vous dois un compte rendu.
Assise est en Ombrie et ce n’est pas rien. Une plaine de taille,disons humaine, sous un ciel bleu clair. Au Nord et au Sud des coteaux élevés où se mêlent Yeuse et fagacées, chênes verts,blancs et lombards .Au détour du chemin en descendant dans la plaine , des oliveraies aux teintes d’argent ,arbres alignés sans être au garde à vous , des chaumes jaunes paille ,des friches d’herbes folles grillées et en ce mois d’Aout des terres déjà retournées, tâches brunes comme des bures de religieux étendues au soleil après lavoir.(1) Dans la plaine, solitaires, en bouquets ou alignées les cyprès s’étirent et tendent leurs bras joints vers un ciel sans nuage. Du levant au couchant L’Ombrie se recueille tandis que le soleil allume de Laudes à vêpres les longs cierges de ses ifs sévéres et sombres . Si tristes ailleurs et bon à orner les cimetières (2) ils sont ici civilisés de très vielle civilisation , ils soulèvent le pays et tirent vers le haut le regard des hommes, faisant de ce pays ,un cloître à colonnades, une cathédrale aux cent clochers . La brise du soir y chante les complies jusqu’au « Salvé régina »et sa silencieuse invitation à s’endormir en paix.
L’Ombrie nous a suffit. On n’a pas fait le parcours en trois mois et 70 étapes depuis Vézelay, on a pèleriné trois jours, dans et autour de la ville, et toujours à pied sur les pas de François. On est monté dans la forêt jusqu’à ce lieu sauvage plein du souvenir des premiers compagnons, la carciéra. Ermitage de grottes peu profondes mais propices à la méditation et à l’imitation de Jésus jusque dans son extrême dépouillement.(3)
De la on est monté dans les alpages au dessus de la forêt. Ils étaient bleus comme si le ciel s’y mirait. Ce n’était pas de la lavande comme dans la douce Provence mais des chardons d’un bleu intense. Quel animal sinon un onagre, ou un chameau pourrait survivre dans ce désert azur ? Et de fait, dans cette canicule nous étions seuls. Le loup de Gubbio (4) ne doit plus hanter ces hauteurs arides que délaissent les troupeaux .On s’est contenté de l’ombre d’un buisson d’acacia plein d’épines pour se reposer en évitant les griffes des chardons bleus .
Assise, la fière avec son château fort s’est convertie avec François le petit pauvre , ses compagnons et depuis des siècles avec franciscains et capucins( conventuels ou de plein vent). Elle est devenue ville de paix entourée de mille rameaux d’olivier au pied de ses remparts et traversée d' appels à la prière au son de 100 cloches à tous les étages.
La maison des clarisses françaises qui nous a hébergée est bâtie sur les remparts d’en bas. De grandes ouvertures en voûte romane ont aspirés nos regards plein sud dans la plaine. Du levant au couchant, de l’aurore au crépuscule, le spectacle était permanent avec l’appel à la méditation du « mendiant magnifique ».
Nous avons usé nos sandales sur les dalles des petites rues et des sanctuaires admirant la chaleur des pierres et sur toutes façades l’alliance du rose et du blanc.
Voila ! J’espère que je vous ai fait regretter de n’être pas venu cet été. Il ne tient à vous de pélériner à votre tour.
Votre serviteur Louis Fernand Olbec de son vrai prénom François. Grand Admirateur de Saint François mais piètre imitateur .
(1)Paul se moquait de ma poésie de lavandière.
(2 )Quelques vers pour évoquer la mémoire d’un ami mélancolique :
« Il était long comme un jour sans pain
Et comme une nuit sans lumière
Long et gai comme ces sapins
Dont on orne les cimetières » Pelletan .
(3) « Il n’a pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu…Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur la croix » Philippiens ch2/8.
(4)Le loup de Gubbio fait partie de la légende dorée qui entoure la vie de Saint François .Un belle histoire de non violence et de respect de la nature animale fût elle carnivore..