Les biens de la terre, même les biens productifs : une épargne qui rapporte, une terre, un fonds de commerce peuvent légitimement appartenir à un homme en particulier. « Sed quantum ad usum », « mais quand à leur usage », « non solum débent esse ejus sed étiam aliorum » « ils doivent servir à faire vivre non seulement celui qui les possède mais encore les autres qui peuvent légitimement se sustenter du superflu qui surabonde de ces biens » « qui ex eis sustentari possunt ex eo quod ei superfluit ».Voila la bonne vielle doctrine thomiste. Elle repose sur un acte de foi dans la famille humaine formée d’enfants de Dieu et donc de frères : « Les biens créés par Dieu pour tous les hommes doivent équitablement affluer vers tous ».
Le superflu qui surabonde, ce n’est pas le revenu du capital après impôt, ni les dividendes distribués aux actionnaires, ni le gros salaire, c’est simplement ce qui reste quand on a vécu normalement avec sa famille selon les besoins de son époque. (Logé, chauffé, nourri, habillé, blanchi, transporté, éduqué, sans oublier le téléphone, l’ordinateur,les livres et revues, la voiture, les investissements, les vacances, les impôts, les cadeaux, et peut être une petite fantaisie en plus pour se faire plaisir et donner quelque piment à la vie.) Ce qui reste, s’il en reste, ne nous appartient pas, les autres peuvent « se sustenter de ce qui surabonde ». A méditer par les traders en tout genre, les banquiers,certains présidents aux parachutes dorés. La" vertu" passe par l’impôt tout d’abord : même plafonné à 50% avec le bouclier fiscal tant décrié ,il pompe une partie du superflu au profit de « tous » : "déo gratias" .La contribution sociale (1) généralisée pompe une autre partie pour les malades . S’il reste encore quelque chose,aprés les charges pour les chomeurs, l'ISF et la couverure des propres risques de l'assuré , ça doit servir ,dit St Thomas d’Aquin ,à faire vivre les autres (« qui ex eis sustentari possunt ex eo quod ei superfluit ) qui peuvent légitimement se sustenter de ce superflu(sans devoir dire merci). Il est donc « un devoir de verser le superflu dans le sein des pauvres »(1bis) ou, dit plus briévement l’Evangile, « ce qui reste, donne le ,ou investis»(2) Donne le comme une chance pour le donateur car : « il y a plus de joie à donner qu’à recevoir »(3) ,les pauvres sont « les économes de notre espérance ,les gardiens du Royaume qui ouvrent la porte aux justes et la ferme aux égoïstes .Grégoire de Nysse ajoute : « ne méprisez pas les pauvres, qui gisent à terre. Demandez vous qui ils sont et vous découvrirez leur grandeur. Ils ont revêtu le visage du Christ, Le seigneur en sa bonté leur a donné son visage afin qu’à son aspect rougissent les durs de cœur »(4)Donne le ou investis le pour un développement harmonieux de la vie sur terre.
(1) un bien joli nom, ma foi ,pour contribuer à la vie des autres! A méditer tandis que vous rédigez votre déclaration d'impot et cherchez les "niches fiscales".
(1bis) Somme théologique ila,ilae Q 32 a6
(2) Luc ch.11/41
(3) les actes :ch.20/35
(4) Homélie 2 de carême « Sanglons nous d’amour pour nos frères, les sans domiciles».Grégoire de Nysse.Cette homélie fait allusion au chapître 25 de l’évangile de St Matthieu:"j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger" dit Jésus....
Ci dessous une description qui date du 4 éme siècle. 16 siècles plus tard les sdf sont encore là et pas seulement dans les rues de Calcutta :
« Notre époque voit croître de façon singulière le nombre des indigents qui errent sans foyer et à peu prés nus .Pour toit ils disposent du ciel, pour abri des portiques, des ruelles, des recoins déserts de nos places ; comme les hiboux, les chouettes ils nichent en des creux de murs .Pour vêtements de méchantes hardes. Pour moisson la pitié des hommes .Pour repas la vague aumône du passant. Pour boisson, les fontaines où ils s’abreuvent avec les animaux. Pour coupe le creux de leur main. Pour grenier leur poche, à moins qu’elle ne soit percée et ne puisse garder ce qu’on y met. Pour table leurs genoux rapprochés, pour lit le sol, pour bain le fleuve où l’étang que Dieu a donné à tous. Cette vie errante et sauvage ne leur était pas assignée dés leur naissance mais découle de leurs tribulations et de leurs misères. Assistes ces hommes, toi qui jeûne. Pour tes frères malheureux, sois généreux. Ce que tu ôtes de ton ventre , donne le. Qu’une juste crainte de Dieu nivelle vos différences : soigne avec ta sobriété deux maux contraires : ta goinfrerie et la faim de tes frères. Parlez aux pauvres affectueusement et soulagez leur misère avec vos propres fonds. « Je suis pauvre moi aussi » me direz-vous. D’accord mais donnez ce que vous avez, offrez l’un du pain, l’autre une coupe de vin, un troisième un manteau et vous aurez ainsi collaboré au bonheur d’un homme .Remarquez comment Jésus admire la pauvre veuve(Luc ch.21/1à4) qui met son sou dans le trésor du temple et dénigre les riches qui donnent pour se faire voir, et aussi comment le pauvre Lazare(Luc ch. 16/19 à 30) se traine à la porte du riche alors qu’à l’intérieur dans le tripot de Mammon, on recrache son repas comme un vaisseau trop chargé, on dort sur les tables auprès des coupes ;maison de honte qui porte deux noms :
Ribotes d'ivrognes, fringale des pauvres que l'on a chassé