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opression

  • calais

    Décembre 2016

    « Cher(e)(s) voisine(s) et voisin(s)

     

    J’habite tout comme vous sur les côtes de la mer du Nord  prés  de cette ville en souffrance qu’est Calais, une des villes les plus pauvres du pays, victime d’un taux de chômage record qui se trouve au cœur de la problématique de l’immigration. On nous a dit « Calais respire », Calais est belle, il y a des lumières, un marché, un Carrousel et Pluto veille sur une pyramide de cadeaux. On nous a aussi promis que Calais irait mieux, qu’elle serait moins pleine de misère. Sauf que voilà, quand nous avons inspiré fort en ouvrant grands les yeux, nous avons senti qu’il faisait froid, nous avons vu des gens dormir dehors à côté de grandes maisons vides aux portes condamnées. Nous avons besoin d’ouverture, de lieux d’échange, de lien social, des lieux pour dormir ; des espaces pour se poser un moment et échanger, se connaître mieux aussi, pour se soucier de notre bien-être et de celui des autres. Mais le constat est alarmant : d’affreux grillages défigurent notre ville qui est devenue un bunker, la police est omniprésente et contrôle tous ceux d’entre nous qui ne sont pas assez blancs. La machine à répression déployée à Calais ne fait pas seulement disparaître des femmes et des hommes, elle décourage aussi le solidaire, celles et ceux qui voient, s’indignent et cherchent à changer les choses. Rien ne se crée, quand les forces de l’ordre sillonnent les rues et occupent tout l’espace public. Je me sens prisonnière de la politique de la ville et du gouvernement. Et vous ?  Ressaisissons-nous et luttons contre cette volonté de nous étouffer, de nous faire taire. Soyons bienveillant-e-s, soyons uni-e-s et c’est ainsi que nous pourrons agir et faire grandir notre ville.

                                                               Une calaisienne.

      De Dunkerque , des voisins  bien proches     présentent , leurs meilleurs vœux à cette calaisienne ,aux bénévoles de la bas  et à ceux  qu'on a expulsé du bidonville d’état devenu village  d'exilés.

    Remember !Tandis que  j'édite cette note le premier Janvier 2016 , je me souviens  du premier de l'an 99.Il y a 7 ans.Les  70 exilés  au bas roch  à  grande Synthe  dormaient  malgré le bruit de la soufflerie .J'avais la charge  de veiller sur leur sommeil. Soudain  les pétards de la fête ont signalé   le nouvel an et réveillé  les amis..

     A  La première heure de l’an nouveau ,il y a sept ans   le premier janvier 99.

     

    "Je me souviendrai longtemps de cette nuit du nouvel an, passée cette année en compagnie  de 70  Afghans et irakiens dans une tente que la commune  leur  avait montée dans la  clairière perdue d’une « zone boisée ». Entre la ville et l’autoroute,  cette zone, c’est  20 hectares  de  bois blancs que  les « réfugiés » appellent  la jungle .et dans laquelle  ils  campent en attendant   le camion sauveur où  se glisser. La commune a monté la tente avec une soufflerie bruyante  pour  réchauffer ces hommes  et  leur permettre de résister à la dureté de l’hiver. Les « humanitaires » responsables ne pouvaient les laisser seuls  la nuit du nouvel an. Les copains  réveillonnaient en famille, je  me suis proposé. J’étais seul  dans  ce « bivouac »,  seul  du moins  à savoir que  c’était la nuit de la St Sylvestre. C’était une magnifique nuit  de pleine lune. Orion s’ était  couché  à l’Est  tandis que du coté de la polaire soufflait  une bise glaciale .On était bien  au chaud  dans ce   « marabout »   malgré le bruit  assourdissant  du groupe électrogène  et le sifflement de  la soufflerie.   Le boulanger   est venu apporter les petits pains au chocolat  qu’il n’avait pas vendu, un  brave homme  est venu dire bonsoir avec des oranges, puis chacun s’est allongé  .Un jeune  Afghan dont j’ai oublié le nom  avait noté sur un morceau de carton « DREAM LONDON ». Les premiers à sombrer dans le sommeil  entamaient peut être ce rêve  d’une arrivée de l’autre coté du Channel, de la retrouvaille avec quelques cousins  déjà installés en Angleterre. Peu avant minuit, j’ai annoncé à ceux qui ne dormaient pas encore  que c’était la nouvelle année. Ils ne semblaient pas comprendre. Dans leur vie d’errance, Ils avaient depuis  longtemps quitté le calendrier. Les premiers feux d’artifice au loin dans la ville les ont intrigués puis attirés. Dés lors, ce fût un déchainement « de oh et de ah » ..  Je me suis retrouvé  en moins d’une minute entouré d’une troupe  impressionnante d’hommes jeunes dont la moitié  aurait pu être mes petits enfants. Tous voulaient  voir de prés ces feux de Bengale, ces fusées, ces artifices, ces pétards, quitter la nuit  sombre  des bois, rejoindre les lumières de la fête. A la tête de  cette troupe, j’ai  descendu  le mauvais chemin forestier, traversé  la route  et pénétré dans la cité. A chaque  explosion  d’une fusée, c’était des cris d’admiration répétés en  cadence .Les gens de la fête  sortant de table,  rubiconds  et endimanchés regardaient avec des yeux ronds cette troupe d’hommes  en guenilles, sortie des bois. La ballade en ville a duré prés d’une heure .Je retiens l’immense éclat de rire  qui a secoué ma    « horde sauvage » quand deux jeunes filles affolées se sont mises à courir. On faisait peur  alors  que, bon enfant, on ne faisait que s’éclater comme éclatait les pétards du  nouvel an. Un jeune irakien avait  trouvé  un paquet de fusée à peine entamé et prenait un grand plaisir à  tracer  des traits de lumière rouge  dans la nuit retrouvée de notre bois. Ces explosions  inoffensives  lui faisaient elles oublier celles de Bagdad ?  J’avoue avoir retrouvé avec  soulagement  le  ronronnement du moteur  et la chaleur du «  marabout » mais  Je rends grâce pour cette première heure du nouvel an 2009. Une bonne heure, un «  bon-heur » (bona hora) suivi de bien d’autres je l’espère, car «  bienheureux les gens simples, les doux, et les cœurs purs »(1). Une bonne heure, un vrai « bon-heur », un bain de jouvence  pour une année nouvelle. Bonne année à ces jeunes après les épreuves de 2008 qui les ont poussés à l’exil, après les difficultés   de leur longue errance  de Kaboul ou Bagdad  jusqu’à  Dunkerque. Bonne année  à franchir  le Pas de Calais et retrouver leurs proches.

    (1) Matthieu 5 /2 à 12.Les béatitudes.

     

    Voici  démarrée ce  nouvel an!  Meilleurs vœux encore !