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puritain

  • babette et son festin

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    . Bien recevoir, pratiquer l’art de la table  pour Marthe, c’était  emprunter   le chemin  du ciel alors même que Marie  assise  au moment du « coup de feu » au début de repas  se contente   de boire les paroles de Jésus et  laisse  travailler sa sœur(1). Marthe, patronne des cuisinières,  accueilliera t elle   au paradis  les cordons bleus en compagnie de Babette pour « un festin ouvert à tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, un festin de viandes grasses succulentes et de vins vieux décantés»(2)

    Karen Blixen  nous raconte une belle histoire (3) pour   nous révéler   que Dieu a pris le parti des  bons vivants  contre les bilirubines ,du mardi gras contre le Carême-entrant, de frère jean et ses cuisiniers quand ils embrochent  les andouilles des iles Farouches.(4). On traitait  Jésus de glouton parce qu’il ne jeûnait pas comme  le baptiste, et  répondait aux invitations à déjeuner, ne  peut on   comme lui   apprécier les bonnes choses ? L’idéal ascétique, chemin de liberté pour ne pas  s’empâter ne nous projette pas  forcément  dans la Jérusalem d’en haut. L’art de vivre  n’est il  pas  un art  véritable ? Tout art ne rapproche til pas de Dieu ?   

     Voici la belle histoire du festin de Babette :

    Il y a en Norvège, un long fjord étroit, enserré par de hautes montagnes. Dans ce coin reculé  et paisible, vit une communauté pieuse  où les fidèles renonçaient aux plaisirs du monde. Les plaisirs de table n’étaient pour eux qu’illusions. La réalité à laquelle ils aspiraient  s’appelait la nouvelle Jérusalem, la Jérusalem d’en haut. Le pasteur s’était marié tard, avait eu deux filles  Martina et Philippa .Comme Martin Luther et Philippe Melanchthon, prénoms lourds à porter qui les identifiaient  et leur assignaient  un rôle ."Orgueilleusement humbles", elles avaient su chacune leur tour repousser les assauts du monde  extérieur : un jeune officier séduisant, puis  un chanteur français. Un jour, bien après la mort du pasteur,  une femme sonne à la porte de Martina et Philippa. Cette femme s’appelle Babette Hersant, elle émigre de Paris  où, elle a participé à la guerre civile de la commune et perdu toute parenté. Elle est  cuisinière  de profession et  propose ses services. Elle est  accueillie par les demoiselles et leur fait la cuisine  mais  dans l’esprit  de la maison : morue salée et soupe au pain noir. «  Apôtres de la frugalité, les demoiselles fustigeaient l’idolâtrie.Pour elles, La bonne chair affirmait la primauté du matériel et le matériel, c’était  le double mal de l’être, sous la forme de la pesanteur et de l’illusion .Quand le corps est repu, l’âme s’alourdit, s’épaissit, s’assoupit, perd la force de s’élever….elle ne sait plus la pauvre que la vraie vie est ailleurs…. En pourchassant sans relâche les plaisirs de la table, leur ascétisme  implacable  ne ciblait pas la jouissance  comme telle mais  l’oubli de la nouvelles Jérusalem, c’est-à-dire de la cité céleste  et de ses joies »(3) Or , après 14 ans passés  dans cette monotonie dans l’ ambiance morose  d’une communauté  vieillissante  ,  Babette reçoit une lettre  de Paris ,elle la lit et la relit et annonce aux deux sœurs  qu’elle vient de gagner   le gros lot de 10000  francs . Les deux sœurs  se réjouissent  pour Babette   mais voudraient qu’elle ne s’en aille pas  avant  la grande fête anniversaire  du centenaire de leur père. C’est alors que Babette  leur fait une requête étrange. Elle leur demande de préparer  pour cette fête de  communauté  un banquet selon ses vœux, un dîner français  qu’elle veut payer  avec l’argent  gagné  à la loterie. Devant les  protestations des demoiselles, Babette tient bon : « Ne comprenez vous pas mesdemoiselles, vous qui êtes si pieuses et si bonnes  qu’il vous appartient d’exaucer  une prière qui vient du fond de mon cœur avec la même joie  que le bon Dieu a exaucé les vôtres depuis 14 ans ? ».Babette   prépare son festin. Passe commande   des provisions dont elle a besoin et qui arrivent par bateau. Vint alors le grand soir  pour toute la communauté. Martine et Philippa  avait fait  promettre à toute la communauté de ne pas parler  de ce qu’il y aurait  dans les assiettes, de ne faire aucun commentaire  et «  tout au long de la soirée, ils maintinrent  un silence total sur la qualité  du festin…..mais les uns et les autres baignaient dans un climat de  gaité et de douceur..La glace qui enveloppait le cœur des fidèles fondit sans crier gare et ils retrouvèrent  le plaisir perdu d’être ensemble. L’esprit  de cette communauté qui battait de l’aile  dut son renouveau  à un enchantement inattendu de la matière…. Les sens des frères et des sœurs furent arrachés au sommeil. Et cet éveil  leur ouvrit les portes de l’idéal. L’inférieur illumina le supérieur »(3) Cette histoire me rappelle une plaisanterie  vacharde , en cours, dans le monde clérical  pour se moquer des "bilirubines", et des buveurs d'eau : "on le croyait saint,il n'était que maigre". Babette s’est fait plaisir, elle a  réalisé une œuvre comme une grande artiste et  dépensé tout l’argent  gagné à  la loterie .Dans son mot de remerciement, Philippa  dit à Babette : « ceci n’est pas la fin Babette. Au paradis tu seras la grande artiste  que le Seigneur a voulu que tu sois. Ah, ajouta t’elle tandis qu’un courant de larmes coulait sur ses joues, combien tu raviras les anges ! »Avec ce cri du cœur, une véritable révolution a lieu : La nouvelle Jérusalem, se peuple de belles et bonnes choses .La  cité céleste accueille  le meilleur du monde humain. »(3)   Soupe à la tortue, blinis Demidof, cailles en sarcophage, le tout arrosé  d’un amontillado exceptionnel."« la miséricorde et la vérité se sont rencontrés, la justice et l’allégresse  se sont embrassés » conclut le général en s'essuyant les moustaches.

     (1) Luc  ch 10 /  38 à 41 : « Une femme du nom de Marthe le reçut dans sa maison. Elle  avait une sœur nommée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe s’affairait à un service compliqué. Elle survint et dit : « Seigneur cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé seule à faire le service ? Dis lui donc de m’aider ».Le Seigneur lui répondit : »Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. C’st bien Marie qui a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée ».

    (2) Esaie ch 25 v 6. : « Dieu préparera sur la montagne …..»

     (3) Le festin de Babette  de Karen  Blixen d’après Alain Finkielkraut  dans un cœur intelligent  chez Stock :Flammarion. p.274. Gabriel Axel en a fait un beau film (affiche ci-dessus).

    (4) le quart livre Rabelais :