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rohner

  • chuintement

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    C’était  comme un long chuintement : Un robinet qui fuit, un chapelet égrené par  une très vielle dame  sans dents  dans le silence d'un   sanctuaire, un  chuchotement  continu  dans le silence  du vieux manoir :

     

      Les deux  gamines embauchées comme baby-  sister  s’étaient installées  au  rez- de chaussée tandis que leurs protégés  de 15 et 35 mois dormaient à l’étage,indifférents  au couchant qui flamboyait l'horizon.(ci dessus photo Elisabeth. Cassel).

     J’étais moi aussi à l’étage et  les entendais  causer  de manière  continue. Qu’avaient-elles à se dire ? Leur conversation, une logorrhée  monotone, a fini par m’endormir.

     De mon lit à l’étage, je ne distinguais pas  les paroles. Bien dommage  car je crois que cela m’aurait amusé comme il me souvient  avoir bien ri   en allant voir  et surtout entendre les contes d’été d’Eric Rohmer et les conversations  des  petites demoiselles qu’il mettait en  scène.

     Par deux fois je suis descendu   proposer  aux jeunes filles  de veiller  moi-même sur les enfants.  Je pensais  libérer    leur soirée. Mais  elles avaient sans doute trop de choses à se dire   et la conscience professionnelle  que l’on met dans les jobs d’été. Elles étaient  bien installées dans de profonds fauteuils, (1) et ne les ont quittés, m’a-t-on dit, qu’au retour tardif   de  leurs patrons d’un soir.

     Le chuintement  était sans éclat, il  n’était à l’oreille, ni persiflage, ni commérage. C’était  La conversation  paisible de deux gamines  du hameau d’à coté, venues à pied  au "chateau" à travers les prés  veiller au sommeil des bambins  tandis que les parents étaient  en route et que le soleil se couchait  derriére les  sombres douglas. Ce qui m’étonnait,  c’est la continuité du flot de paroles .Aucune interruption de l’une à l’autre. Les deux voix  avaient pris le même ton, la brune et la blonde  parlaient à l’unisson, cela ressemblait  au murmure  continu du  ruisseau des moulins  qui  montait  de la combe et emplissait  mon grenier en Savoie.  Stendhal  dit que « La parole aurait  été donnée à l’homme pour cacher sa pensée » ?(2) Mais  ces  deux filles n’avaient rien à se cacher, au contraire, elles parlaient et racontaient  avec plaisir  : leurs vacances, leurs rencontres, leurs amours, leurs projets. Elles ont  sans doute continué à se dire des choses en regagnant  la ferme  de leurs parents dans la nuit  et bercé  blaireaux et  chouettes  de leurs chuchotements. J’ai  compris que le besoin de communiquer est immense   et que  deux  fauteuils  dans la nuit  valent   tous les face book, les sms  et les portables du monde. Le doux chuintement  à travers   les  grosses  poutres de châtaigniers  m’a bercé ,  je me suis endormi  comme un bébé, comme les bébés  de l'étage ,tous  deux  bercés par  le  ronronnement  bavard des petites demoiselles. 

     (1) Molière : Les précieuses ridicules  ne les  nommaient  ils pas  justement   mais aussi  précieusement  «  les commodités de la conversation ».Mais ces gamines n'étaient ni précieuses ,ni ridicules.

     2)Armance. Stendhal.