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angoisse

 

l’angoisse

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« On a les boules » ! disent les jeunes en montrant leur gorge. De fait,  c’est au niveau de l’estomac  que les choses se nouent le plus souvent. Ca nous prend  parfois quand on s’arrête ou quand quelque chose nous arrête dans notre élan : Une maladie   qui nous cloue  au lit, une retraite qui vide soudain l’agenda, un licenciement  qui nous coupe du milieu de travail, une période de chômage qui se prolonge, une séparation qui nous plonge dans la solitude   et voila  la  rongeuse  qui vous taraude l’estomac avec des questions sans réponse : Qu’est ce que je fais sur terre ? Qu’ai-je fait de  ma vie ?  Et  voila une espèce d’angoisse « métaphysique » qui nous saisit  avec une prise de conscience aigue  de notre « être au monde » (le  fameux « dasein » de Heidegger) (1).

Pour échapper à cette tenaille, certains se mettent, dés qu’ils le peuvent, à courir, à se dévouer corps et âme  à quelque tâche humanitaire ou comme certains  calvinistes, angoissés par  leur salut,   à s’abrutir au travail.  D’autres  se dispersent  dans les plaisirs de la vie, c’est le  fameux « divertissement »  de Pascal, ils s’enivrent de «  vins fins, de parfums ou de vertu » comme le conseillait Baudelaire. D’autres enfin trouvent leur bonheur en marchant sur la route de Compostelle ou  dans quelque club de randonneurs  ou de cyclistes, ils communient à la nature .La sérénité  leur  remonte  par les pieds jusqu’au cœur .Ils s’éclatent comme ils disent, ils idolâtrent « le feu, le vent, la brise légère, la ronde des étoiles, la violence des flots, les luminaires du ciel. »(2)

  Pour consoler les angoissés certains leur disent  « c’est rien ! Ça va se passer » et pour que cessent  leurs gémissements, ils disent « allons, c’est tout ! ». Il faudrait savoir si c’est rien ou si c’est tout !  En fait, c’est n’importe quoi  car L’angoisse ne se console pas, elle exprime  une question fondamentale,  propre de l’homme   et de sa conscience «  d’être au monde »(1).

 Pourquoi ne pas chercher  une bonne fois à y répondre ? 

Qu’est ce que je fais sur cette terre ? Pourquoi  je suis  vivant ?  Pourquoi il y a un monde plutôt que rien ?  Où est partie grand mère qui a fermé les yeux ? Pourquoi elle est partie ? Ce sont déjà  les questions de l’enfant de  5   ans,  ses pourquoi  incessants  dont les papas  se  défaussent  souvent  en disant : « va demander à ta mère ».

Essayer d’y répondre est  une démarche humaine. Les animaux  ont  souvent peur. On met des œillères au cheval pour qu’il ne soit pas   effrayé  par quelque mouvement intempestif  et ne fasse un écart brutal. Mais il ne semble pas qu’il  soit sensible  à l’angoisse   et surement  pas à l’angoisse « métaphysique ».  L’angoisse serait donc le propre de l’homme et de sa conscience «  d’être au monde ». (1)

Une  autre solution, celle que proposent les « cyniques » : choisir  de  mener une vie animale, une vie  de chiens comme Diogène dans son tonneau. Antisthène maitre des cyniques « enseignait que les seules communautés valables était celle des chiens », qui trouvent leur nourriture dans les poubelles, savent mendier et ne se gênent jamais ; celle du troupeau  vivant en toute liberté, satisfaisant ses besoins de manière simple  jusqu’à l’indécence, comme Cartés et Hipparchie qui copulaient sous les portiques. L’homme idéal  sans questions angoissantes  serait  celui qui   se rend indépendant des circonstances qui entourent la vie. (3)Autrement dit de l’homme qui s’en fout de tout et ne s’embarrasse de rien.

 Mais, Il est trop de malheureux aujourd’hui qui sont contraints de mener une «  vie de chiens » et  l’angoisse ne quitte pas  la « jungle à Calais »n’en déplaise à Diogène et à Besson.  Trop de réfugiés et de sans droits, trop de sdf   que l’on déloge du tuyau  ou sous le pont  où ils se sont abrités.  Vivre dans un tonneau à Rome ou Naples, y vivre volontairement comme un défi  à «  la bonne société »  n’est sans doute  pas  pareil que  dans un tuyau sur la côte d’opale. Et puis, peut-on renoncer à être homme pour éviter le « solipsisme existential(4) » ?

L’étonnant c’est que certains, on ne sait comment, trouvent  la réponse  à leurs questions et la paix intérieure. Ils  découvrent   Dieu  comme quelqu’un qui est là.

 Roger Auque  un des deux otages célèbres  restés près de deux ans  prisonniers  dans les geôles  à Beyrouth, durant la longue guerre civile raconte : «  « Moi qui ne savait rien de Dieu, dés le premier jour, je me suis retrouvé à genoux  sans savoir prier ». « Un jour, un de mes ravisseurs  m’a  apporté une bible de poche. Elle est devenue mon livre de prière. Pour moi maintenant  Dieu, c’est quelqu’un qui est là ». Il arrive  ainsi à certains  de  se retrouver face à des «   cieux  qui se déchirent »(5), un rideau qui se lève,  Quelqu’un  qui leur parle. Depuis Abraham, combien  de témoins  nous racontent cette  rencontre !  Cela  les combles, disent ils, d’une grande paix  même dans  des situations difficiles. Le sentiment de solitude (est ce le solipsisme existential ?) se déchire  quand   on découvre  un ciel habité par quelqu’un qui nous aime et une présence au cœur de  la désolation. Et même ceux qui avaient pris pour des dieux et idolâtré « le feu, le vent, la brise légère, la ronde des étoiles, la violence des flots, les luminaires du ciel à cause de leur beauté qui les a charmés, découvrent  parfois  l’auteur même de la beauté qui est leur créateur. La grandeur et la beauté  des créatures  font par analogie découvrir leur  auteur ;(2) et il est bien d’autres chemins vers la foi. Dieu écrit  droit avec des lignes courbes et dit à celui qui cherche une réponse  à ses questions : « tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé ».(6)

(1)« Par l’angoisse, le ‘’ dasein’’(l’être au monde) est transporté  par son propre être devant  lui-même. Tel est donc le pouvoir révélant  de cet affect : il vient briser le mouvement de fuite devant soi même. »SZ 1894.Heidegger. L’analyse heideggérienne est  très différente  de l’analyse freudienne. Elle est d’ordre métaphysique et non psychique.

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(2) livre de la Sagesse  ch. 13. «Ils ont pris  cela pour des dieux a cause de la beauté qui les a charmés. Certains cherchent Dieu  en étant plongés au milieu de ses œuvres et se laissent prendre aux apparences : ce qui s’offre à leurs yeux est si beau ».

 (3)Ernst Bloch Le principe espérance Gallimard  49 .

(4) » L’analyse existentiale  du phénomène de l’angoisse  nous fait atteindre un point limite dans la découverte de soi. Le pouvoir de singularité de l’angoisse est si fort  que nous devons parler d’un véritable solipsisme existential »SZ 188(.Moins contagieux que la H1N1,qu'on se rassure!)

(5)  Marc Ch. 1 v 10 et 11 : « A l’ instant où il remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendre sur lui »

.(6)  Saint Augustin avant Pascal.

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