Survivre
« Nous n’avons pas besoin de raison pour vivre, mais nous avons besoin de raison pour donner la vie » (1).Certains nihilistes comme Bénatar préconisent « l’extinction volontaire de la vie humaine pour l’intérêt de ceux qui pourraient naitre ». Une espèce de boycott des naissances. Shakespeare va plus loin dans Hamlet en reprochant aux hommes leur lâcheté car s’ils ne se suicident pas , c’est par peur de ce qui leur adviendra après la mort ( Acte 3 scène 1).
« Cette contrée inexplorée d’où ne revient nul voyageur,
Rend le vouloir perplexe et fait qu’on se résigne aux maux présents
Plutôt que de voler vers des maux ignorés
Notre pensée ainsi fait de nous tous des lâches »
Trêve d’humour morbide, Il reste vrai que si nous ne sommes pas libres de venir au monde, nous sommes tout à fait libres d’y appeler ou non autrui. Les français en Europe ont de ce point de vue une vision optimiste de la vie et accueillent des enfants plus que les autres peuples de l’union.
Alors comment se fait il que le rapport alarmant du GIEC(2) dont les premières lignes ont filtrées, laisse indifférente l’opinion française ? Il y va pourtant de la survie de la planète, de la vie même de leurs enfants, de leurs petits enfants et de leurs descendants.
Jean Pierre Dupuy dans sa chronique du monde du 15 Avril 2014 commente : « L’avenir de mes enfants et de mes petits enfants me concerne au plus haut point..Mais cinq ou dix générations après !! ? Ces générations futures sont des êtres anonymes et à l’existence purement virtuelle au bien être desquels on ne nous fera jamais croire que nous avons une quelconque raison de nous intéresser ».
Faudra t il que les premiers effets du réchauffement nous atteignent directement ? Que la mer atteigne l’intérieur des terres comme en Bretagne cet hiver ? Que les tempêtes déracinent les arbres de nos jardins ? Que la pollution embrume les quais de Seine comme brouillard sur Tamise ? Que de longues périodes de pluie ou de sécheresse perturbent les cultures et les récoltes ? Que des populations entières chassées par la montée des océans demandent asile chez nous ? Faudra t il être touché directement pour prendre au sérieux les prévisions de plus en plus inquiétantes du GIEC ?
Le GIEC préconise des mesures immédiates, après il sera trop tard, on ne pourra plus arrêter le réchauffement et ses conséquences dramatiques pour des millions de gens. « Chaque fois les nouvelles évaluations sont pires que le pire des scénarios précédents .Et pourtant nous ne faisons rien. »
Faut il se résigner à voir disparaitre l’humanité ? La terre tournera sans nous ; n’a t elle pas continué de tourner avec une suprême indifférence quand ont disparu les dinosaures ?
Mais Jean Pierre Dupuy relance la réflexion et cite Dante au chant X de l’enfer : « Tu comprends ainsi que notre connaissance sera toute morte à partir de l’instant ou sera fermée la porte du futur » .« Si nous devions être la cause ce de que la porte de l’avenir se referme, c’est le sens même de toute l’aventure humaine qui serait à jamais et rétrospectivement détruit. En conclusion : « Nous avons besoin de l’avenir, car c’est lui qui donne sens à tout ce que nous faisons ».
Il n’est pas vrai que nous ne faisons rien. Je connais une société qui s’est emparé du problème et a inscrit dans sa charte éthique la préservation des ressources naturelles, le développement des énergies renouvelables, la maitrise des déchets etc..
Des communes se préoccupent du tri des déchets, des particuliers roulent en vélo, soignent leur poubelle bleue, enfouissent leurs épluchures, ne font pas couler inutilement leur robinet d’eau, calorifugent leurs maisons pour économiser le chauffage.
Tout cela n’est pas suffisant, il est vrai, mais ce n’est pas rien.
Gael Giraud cité par Mgr Ulrich appelle à sortir de la crise financière en se lançant dans la transition écologique. « L’Europe, a les ressources humaines et financières pour engager cette transformation avant qu’il ne soit trop tard .Il faut une volonté politique et une adhésion morale des sociétés, il y faut des choix assumés par des personnes » Mais beaucoup de ces personnes sont engluées par des « rémunérations excessives sans rapport avec leur niveau de responsabilité (ce sont des trop payés !) »(3), l’argent les chloroforme, ils en oublient que leur responsabilité éthique est engagée, cela pollue les relations humaines .Jean Paul II appelait cela « les structures du péché qui conditionnent la conduite des hommes » .(4)
« Ils comptent leur richesse par les moyens qu’ils ont de satisfaire leur désir » écrivait l’ Abbé Prévost dans Manon l’Escaut . Alors que la richesse leur donne une responsabilité particulière pour l’avenir de la planète. Cette richesse, c’est celle des pays nantis qui polluent allégrement autant que celle des particuliers. Comme le suggère Steinbech (5) il faudrait pendre tous ces gens par les pieds au dessus des latrines .Ainsi tomberaient de leurs poches et dans la fosse d’aisance les pièces d’or qu’ils ont amassées .Une pauvreté relative serait elle alors pour ces riches le chemin de la vertu ?
(1) Les ancres dans le ciel Rémi Brague le seuil
(2)Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat. Réuni en Avril 2014 à Yokohama.
(3)L’espérance ne déçoit pas Laurent Ulrich chez Bayard.
(4)Sollicitudo rei socialis 87.
(5) A l’Est d’Eden.