Rire
Ne me demandez pas ce que j’étais allé faire à la Charité sur Loire. Je ne m’en souviens pas. Par contre je me souviens d’y avoir manqué cruellement de Charité. C’était en hiver, il y a bien longtemps, je cherchais ma route. J’ouvre ma vitre droite et interpelle un passant.
-Pardon monsieur, la route de Verzy, s’il vous plait ?
Le monsieur au chapeau s’arrête, se retourne et se retrouve les 4 fers en l’air.
J’ai ri. Le trottoir était couvert de verglas, la chute de cet homme était donc logique, prévisible et pas drôle du tout. De plus ,cet homme s’est fait mal . Pourquoi ai-je éclaté de rire ? Je crois, analyse Sibony ,que c’est à cause d’une « différence vivace » ( 1) :
- Un homme au chapeau, au long manteau noir , marche dignement avec une jolie canne à pommeau d’ argent à la main droite et attaché case à la main gauche , et voila que, par ma faute ,il chute et se retrouve à terre , la canne dans le ruisseau (la faute à Rousseau), le chapeau à terre ( la faute à Voltaire). La jouissance du rire serait elle de faire place au mal ? Mon rire ce jour là a-t-il élevé le mal en spectacle ?(1bis)
-Différence vivace et soudaine entre la démarche digne, presque solennelle de ce notable et le grotesque de sa position humiliante.
-Différence vivace entre le service demandé qui appelait la reconnaissance et la gentillesse et la réponse cruelle et instantanée de la chute ,décalage entre un service demandé et une sanction totalement imméritée .
J’ai étouffé mon rire fou, j’ai mis sous cape mon fou- rire pour ne pas humilier l’homme au chapeau. Attentionné, Je lui ai même demandé s’il ne s’était pas fait mal.
Il a brossé de la main son manteau taché, récupéré canne et chapeau et joliment, s’est redressé et m’a dit ,en montrant avec sa canne la direction demandée ,comme si de rien n’était : « pour Verzy, vous allez tout droit, vous passez le pont sur la Loire et sous la 4 voies et vous continuez. Apres Châteauneuf, attention dans les coteaux, ça glisse ».
J’ai démarré après avoir dit merci et plus loin le rire m’a rattrapé, un rire fou qui m’a secoué les épaules jusqu’à la sortie du pont de la Charité.J’ai du m’arrêter pour « décharger la charge signifiante que la chute du bonhomme avait provoqué en moi (1bis).».Le fou rire m’a fait pleurer au point que je ne voyais plus la route .Il m’a fallut 5 bonnes minutes pour sécher mes larmes puis reprendre mes esprits et la route de Verzy. La « différence vivace »(2) entre mon attitude peu charitable et la délicatesse de cet homme qui a peine redressé de sa chute sur le verglas me prévient du danger des coteaux de Châteauneuf a fait rebondir mon fou rire. Bergson disait que « l’on rit lorsqu’à la place du vivant surgit le mort. On rit de n’être pas ce mort là ; C’est l’autre qui est mort (.mais pas pour de vrai,heureusement .) (1bis)Le bonhomme s’est relevé du trottoir où il avait chuté et je me suis rappelé ce que me racontait ma mère : « Quand un homme tombe, on rit. Quand un cheval tombe on dit « pauvre bête » (les maquignons eux savent pourquoi on dit pauvre bête. Ils savent l’animal « couronné » bon pour l’équarrissage .Ma mère l’ignorait et se gaussait d’une différence vivace , entre la pitié envers un simple animal et le rire peu charitable que provoque la chute d’un homme .( Les 4 fers en l’air devraient désigner le cheval d’ailleurs plutôt que le bonhomme ,mais ainsi va la langue française)
Il est une émission sur w 9 qui est censée nous faire rire de chûtes successives et cocasses. Elle porte bien son nom «à mourir de rire ».Elle m’a fait mourir d’ennui à entendre un public qui doit être bien payé pour rire ainsi sur commande du spectacle affligeant de gens qui se font mal en tombant. Le rire est du coté du mal faire mais habituellement il cherche un autre bien dans ce mal faire (1bis) .Dans cette émission de TV rien de tel ; c’est un rire bête et méchant, légèrement débile.
Ais je manqué de charité en riant sur le pont de la Charité sur Loire ? Sans doute alors même que je riais d’avoir provoqué la chute d’un homme sur un trottoir verglacé. Mon fou - rire était un rire fou, légèrement cynique face à un homme charmant et digne qui m’avait renseigné alors même que par mes demandes de renseignement, je l’avais fait chuter. Un homme que j’avais fait tomber et dont je riais alors qu’il me mettait en garde sur les dangers de verglas dans les coteaux de Chateauneuf . Finalement je riais de bon cœur et de très mauvaise foi face à un homme bien meilleur que moi .Je riais d’une différence vivace ,entre moi-même et mon cynisme et la noblesse de l’homme au grand cœur qui s’était relevé dignement pour me renseigner..
Mon rire était une « Suite de secousses ou je m’identifiais et me désentifiais, une série de saccades où mon souffle coupé rebondissais sur sa coupure pour se reprendre un peu au-delà. Cycle jouissant et productif de coupures redoublées »… «.Rire en effet, c’est se perdre de vue et se retrouver une ou deux fois par seconde, dans un rythme condensé. Souffle coupé qui se reprend aussitôt, qui évoque une syncope rattrapée ; une petite mort d’où l’on renait. Le rire nous aide à respirer bien qu’il puisse nous suffoquer ».(1)
Heureusement le pont sur la Loire était solide, il a résisté aux secousses de mes épaules Fini de rire, J’ai fait gaffe après Châteauneuf en montant sur le plateau. J’ai retrouvé bonne conscience en dépannant une voiture qui avait glissé dans le fossé. En se tâtant bras et jambes, mon dépanné m’a remercié en riant d’être en vie et de n’avoir rien de cassé. C’est fou ! Non ?
(1) « Le rire est une cascade sonore par laquelle on reprend souffle après qu’il a été coupé par une différence vivace….Le rire décharge une curieuse charge signifiante dont on a reçu le choc. » Daniel Sibony le sens du rire chez Odile Jacob.
(1 bis) Le sens du rire .DS
Avant que ne paraisse mon prochain recueil de nouvelles, avez vous lu mes premières publications ? Mes éditeurs sont Persée et Tituli. mon nom d'auteur est Louis Fernand Olbec.Qu'on se le dise.!: Nouvelles forestiéres, la mer est au <Nord, Le tour du carré, les trois fléches : Toutes ne vous feront pas éclater de rire ;mais vous intéresseront je l’espère
Commentaires
1/4/18 Pâques.
½ L’œuf de Mameye.
Les lueurs de la nuit chantent l’aurore.
Les gazouillis s’interrogent, se répondent,
au loin , le ‘tac-tac-tac’ du pic-vert.
Les clochers, au milieu des usines, inondées
de brouillard, s’ignorent.
Un temps de printemps.
L’éveil souffre de quelques convenances quand
l’habitude et la nécessité extraient maître et
chien du lit.
Entre chien et loup se glissent une distribution
de missives.
-‘en piste’- pour les ‘Rendez-Vous’.
Renifle la truffe farfouilleuse face au vent,
patte gauche avant levée.
Qui ne connait pas l’autre posture ?
Un jet d’écriture. C’est tout.
Après avoir salué son Copain Léon,
Bouledogue au travail dans la distribution
des nouvelles fraiches du matin,
ce petit monde va sa journée.
Un œuf !
Un gros œuf, des phares et balises de l’
appartement tout près des nuages balaie
l’entrebâillement de la porte de la chambre
des grands parents.
Juste les épis de quatre ans vieux, verts, bleus,
bleus violets...tête penchée à droite et la rouge
chevelure de l’ aîné de sept ans cerclée d’une
nuance dans l’harmonie des ondes lumineuses.
-Chut !
-et chuuut-.
La Mameye alertée, tout en éveil vérifie
maternellement le sommeil de l’enfant.
La petite s’étire. S’étire toute droite.
Ouvre les yeux et sourit à la vie.
Se rendort paisiblement.
Les ombres chinoises, comme angelots sur
divan s’imprègnent de la tablette
phosphorescente déconnectée de la partition
émotionnelle de Mameye et disparaissent
dans le noir du salon.
Tout ce petit monde plonge en apesanteur sous
les lux de l’œuf de mameye.
1/4/2018 c’est Pâques sur le calendrier Romain..
Claire, sur ‘Rire’ le 15/4/2018