Éclat de rire du bébé Navajos.
Le héros, la vedette du clan indien navajos, n’est pas le vaillant guerrier, œil de lynx ou bison futé qui a ramené le plus de scalps de blancs dans sa ceinture, ni celui qui grimpe d’un saut sur son mustang blanc et bai, et qui grand guerrier galope le plus longtemps dans la pampa son tomawak en main. La vedette c’est celui qui a réussi à faire rire aux éclats le dernier nouveau né de la tribu.
Je ne sais ce qui peut faire rire aux éclats un bébé Navajos, si c’est avant ou après qu’il ait fait ses premiers pas, mais je trouve que célébrer celui qui l’a fait rire et faire la fête de tout le clan pour rire avec lui, c’est génial .On est là ,avant que les échanges entre les hommes soient pollués par l'absolu du marché, dans un échange symbolique où tout don reçu oblige. En éclatant de rire « Le bébé donataire rend la politesse au donateur sous forme de contre don ». En termes systémiques, un tel échange se représenterait par une boucle de rétroaction ago-antagoniste.(1) (N'est ce pas ?)
En occident ,la famille ne fait pas la fête pour le premier éclat de rire du nouveau né .Par des mimiques et des « guili guili » répétés ,la maman, la marraine, la grande sœur, le papa , la grand mére provoquent et s’émerveillent d’ un premier sourire .On guette davantage ses premiers pas .C' est une démarche moins gratuite. Les premiers pas en appellent d’autres.C'est déjà une humanité en marche . On a fêté ainsi les premiers pas de l’homme sur la lune. On est dans une dynamique "occidentale" de progrès .Même si, avec ses premiers pas, le bébé renverse les bibelots.
Un éclat de rire de bébé a la sonorité d’un cristal pur. L’accueillir comme un contre don et faire la fête au donateur qui a réussi à le faire rire nous transporte au pays des rivières à saumon et des collines en fleurs dans une civilisation précolombienne.Ca fait rêver ! ( Au nom de ce rêve d'ailleurs ,certains indiens, refusent de manière systématique la modernité occidentale, et organisent une résistance écologiste et altermondialiste ?)(2). Mon souhait, c’est que les indiens navajos n’abandonnent pas la belle fête du rire et nous la transmette. Qu’elle soit même versé au patrimoine de l’humanité, car Je crois qu’un peuple qui célèbre le premier rire des nouveaux nés ne pourra jamais se laisser enkamarader et entrainer dans le rire gras des casernes (3) et la tribalité du mal. Ce rire donne raison à Las Casas qui affirmait que les indiens ont une âme . Il aurait du clore la controverse de Valadolid en affirmant la dignité des indiens,nos fréres en humanité.Les sourires énigmatiques de la joconde et même de l'ange de la cathédrale de Reims(voir ci dessus) n'ont pas la fraicheur du rire de l'enfant navajos .Ce sont des sourires d'adultes figés sur la toile ou dans la pierre, ils expriment une distance ,une retenue,un certain silence..On a envie de les inviter à se lacher un peu . Mais La joconde serait elle encore la joconde si elle était secouée par un fou rire ? Et l'on ne verra pas de sitôt du coté du porche Nord ,l'ange rémois battre des ailes en éclatant d'un rire sonore sous les voûtes couronnées de saints bien sagement alignés et bien sérieux.Les rémois sont gens réservés(4)D'autre part dessous l'ange au sourire,il y a les damnés enchaînés qui sont conduits au chaudron de l'enfer : "Ca vous fait rire "?
(1) Gérard Donnadieu les religions au risque des sciences parole et silence
(1bis)) Heureusement, souvent le pragmatisme prend le pas sur l’idéologie et une synergie entre cultures indiennes et modernité occidentale finit par prévaloir »
(2) N’est il pas illusoire de revenir à une indianité pure et dure ? Le métissage n'est pas seulement l'addition de deux cultures mais l'avénément d'une troisiéme plus riche et neuve. Jean Claude Guillebaud . Le commencement d’un monde le seuil
(3)L’histoire d’un allemand de Sébastien Haffner. « L’instinct grégaire se déchaine en même temps que la force vitale et plus que l’embrigadement doctrinal, l’amalgame inquiétant de ces deux états a embringué la jeunesse allemande dans l’apocalypse hitlérienne. Tribalité du mal dans un "Grand rire avilissant et fusionel""
(4) Les rémois ,c'est connu,ne rient bruyamment que quand le "roteux" a fait jaillir ses bulles.Ce sont des gens bien élevés et réservés qui ne plissent les lévres que quand l'eau est trop chaude sous la douche.