Dessalage
Avec l'été précoce les voiliers reprennent la mer. Je n’épouse pas la crainte de la mer qu’avaient les hébreux .Elle était pour eux le siège de Léviathan , monstre marin . J’aime au contraire plonger dans les vagues et suis parfois seul à le faire quand souffle le vent du Nord sur le littoral et que l’eau n’est pas très chaude. Par contre j’ai le mal de mer sur une balançoire de foire.. Les copains du club de voile m’ont proposé une sortie en ludique .(1)Je me suis laissé tenté et ne le regrette pas car sur ce petit voilier ,bien chahuté , je n’ai pas eu le moindre mal de mer.
Cette balade était une première, pour moi. ils ont voulu me baptiser comme on bizute les marins qui passent pour la première fois l’équateur. Pour me « dessaler", ils m’ont d’abord fait asseoir à Bâbord juste sur le rebord pour rééquilibrer le bateau, m’ont-ils dit .Il fallait répartir la charge et faire contre poids .
J’ai accompli ma tache consciencieusement, en déséquilibre penché coté mer la tête au raz de la vague .
Jean à tribord, debout sur le rebord accroché par un filin fixé en haut du mas a pris son élan pour me balancer des deux pieds à la « baille » . Mal lui en a pris, la ficelle a cassé et , "gros Jean comme devant", Jean comme une pierre a fait plouf . ne l'appelle t’on pas Jean PIERRE ? drôle de baptême ! . Il a fallut manœuvrer pour récupérer notre gribouille, barboteur en eau froide.
Ce genre d’incident n’arrive jamais tant est solide la drisse.
Aussi, depuis lors, j’inspire crainte et tremblement j’ai plus que la baraka, je suis carrément protégé des dieux, autrement dit , un intouchable. Gare à celui qui me fait des vilaines blagues car « tel sera pris celui qui croit me prendre. »
(1) Le ludique est un petit voilier sans quille dont la coque est ouverte à l’arrière. Comme son nom l’indique ,Il est plus fait pour le rêve et la promenade que pour la course en haute mer.