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vie spirituelle - Page 281

  • les invisibles

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     Des hommes au travail ? Au XXI éme siècle « le travail est le vaisseau fantôme de notre société : il navigue aux cieux vers un paradis inaccessible ou plonge dans le gouffre infernal de son double maudit, le chômage ….Ceux qui ne travaillent pas sont considérés  comme des parasites, des profiteurs  et ceux qui travaillent comme des  privilégiés.......  .Photographier des hommes au travail  comme le fait Pêyrou, c’est résister  à la disparition programmée  de la classe ouvrière   , l’invisibilité organisée  du travail,  la fatalité  proclamée de  la croissance du chômage.Ces prêtres ouvriers sont les invisibles des invisibles, quelques photos  donne à ces hommes un visage alors que leur vie  comme celle de beaucoup de travailleurs  est  occultée. » (2)

     Il n’y a plus guère qu’Arlette pour  commencer ses discours par  travailleuses , travailleurs !    Au siècle  dernier on parlait  encore des ouvriers(1) .Aujourd’hui, même à la CGT, Les tracts s’adressent  non plus aux ouvriers  mais aux salariés, qui restent encore et  toujours  des camarades, bien entendu. Où sont donc  les ouvriers ? Seraient-ils devenus invisibles ?  Et  la classe ouvrière ? Les six semaines  de manifestation   et grèves  pour s’opposer  aux  lois nouvelles  qui repoussent le départ à la retraite à 62 ans   ont rendu  visible  un peuple de gauche. Etait- ce  la masse ouvrière ? Personne ,sinon l'humanité, n’a   décrit  ainsi le mouvement Est-ce simplement une question de vocabulaire ?

    Je termine la lecture d’un beau livre  illustré de magnifiques photos par Joseph Peyrou . Ce livre  de Gérard Mordillat  s’appelle   «  les invisibles ».

    Ce sont des hommes au travail, photographiés par  Joseph Peyrou. Menuisiers, laveurs de vitres, métallos, maçons, mécaniciens, postiers. « Des professionnels  saisis dans le geste quotidien de leur activité ,  à  hauteur d’œil, à hauteur d’homme .Ces hommes au travail sont des prêtres ouvriers ,des P.O. comme on les appelle. »(2)

    A Dunkerque, deux visages  de ces «  invisibles » sur la couverture de  deux livres  dans lesquels ils sont trois à témoigner : Bernard, Raymond et Jean.(3).Leur présence au port, à Sollac ,rue des  passerelles et à l’Albech  est  rendue visible par l’impression  de ces pages  de feu ; mais qui  rendra compte de  la trace(4)  que leur vie a laissé  dans la mémoire ouvrière ? Comment rendre compte  des  retournements des cœurs  et des engagements  que leur témoignage a  provoqué ?

    Quand on interroge un retraité  sur   l’Eglise ,il parle  du  patro   des années de guerre et d’après guerre  où il  a appris à jouer et à vivre ensemble, de la joc  où il a découvert  l’évangile  et  l’action, de l’ACO  qui l’a une fois ou l’autre invité à un partage de vie ouvriére  et  surtout de cette poignée d’invisibles que sont les Prêtres ouvriers .

    Il y a eu dans l’histoire de l’église des prêtres  philosophes, professeurs, chercheurs émérites,  médecins, certains ont  écrit, témoigné, d’autres sont restés  muets ; aucuns  ,je crois, n’a eu la chance  de ces invisibles : vivre en communion  avec  les travailleurs, incarné dans un monde d’une grande  richesse humaine  faite de solidarités dans les luttes, d’entraide dans les épreuves ,de simplicité  fraternelle .Les photos d’art de Pêyrou  pris à la bonne distance, dans leur épaisseur d’humanité  sont comme des tableaux de Caravage ,dit il. «Lui aussi, il prenait  pour modèle des apôtres  aux visages marqués par  la rudesse de la vie, des hommes aux mains épaisses ,vêtus d’ étoffes  écrues ,aux corps modelés par le travail ,la fatigue et la faim ». (2) .On est loin  des saints efféminés de St Sulpice , coulés  en série dans le plâtre  et peints en rose bonbon.

       Je termine en recopiant simplement   ce que  Mordillat écrit au dos de son livre  et dans lequel je me retrouve  personnellement :INVISIBLES .Ces ouvriers du jour et de la nuit. Ceux des ateliers, des usines, des centres de tri, des garages, des chantiers,du port,des transports .Ces "saints sont ils allé en enfer"?(2bis) .Je ne le crois pas. Ils ont vécu au paradis des béatitudes avec  les gens simples et les pauvres de coeur .L’air du temps voudrait qu’ils se taisent et disparaissent en silence. Ils sont pourtant là… On les appelle des prêtres ouvriers, des hommes en petit nombre. Des gaillards  pas ordinaires. Toujours  discrets, parfois bourrus. Au coude à coude avec leurs compagnons de travail ou de quartiers. Ils ne possèdent aucune lumière, ils la cherchent : Dans le grand vent des existences. Dans les gestes solidaires. Le mot lutte ne leur fait pas peur. Ils sont là ou nait la confiance. La où l’humain se construit.  Bernard,Raymond et Jean  auxquels j'associe Sévére, un autre Bernard ,Jean Marie,François et quelques autres ,notamment des  prêtres marins .Ces  prêtres ouvriers qui ont travaillé  dans le dunkerquois depuis  50 ans ,ces invisibles qui ne se cachent pas mais  sont connus sans qu'ils le cherchent; une façon  discrète de  témoigner de  l'évangile.

     

     

     amarres.jpgCertains ont largué les amarres,ils nous ont quitté pour d'autres cieux ,bon vent! .St Pierre se souvient- il qu'il travaillait de ses mains  à tirer les filets " pape ouvrier" si l'on veut ,quand il leur ouvre et ouvrira  la porte du paradis ?    D'autres  p.o. tiennent bon dans leur double fidélité à Jésus et  aux  travailleurs, amarrés   solidement  à  leurs convictions.

     

      (1) A la joc , on  chantait : sois fier ouvrier et on  exaltait même  la mémoire de Jésus ouvrier .Les  livres de réflexion étaient édités  aux éditions ouvrières ,les études étaient publiées  dans la revue Masses ouvriéres   etc. ..

    (2) «  Les invisibles »  aux éditions de l’atelier de Joël  Peyrou  et Gérard  Mordillat.

    (2bis) Cesbron  les saints vont en enfer.

     (3)Bernard Tiberghien ,prêtre docker  par Raymond Vandecastel  et  Jean Crepin.   Raymond Vandecasteele  Prêtre ouvrier "Lutter ensemble pour vivre mieux."Je n'ai pas scanné leur photo pour garder leur" invisibilité".

    (4) une trace comme en fait   un clou de charpente dans un  savon de Marseille.