La plaidoirie d’Abraham
Abraham se tenait devant le Seigneur. Il s’approcha et dit : « Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le coupable ? Peut être y a-t-il 50 justes dans Sodome, vas- tu supprimer la ville sans lui pardonner à cause des 50 justes qui s’y trouvent ? Ce serait abominable que tu agisses ainsi ! Faire mourir le juste avec le coupable ? Le Seigneur dit : Si je trouve 50 justes à Sodome, je pardonnerai à toute la cité. Abraham reprit : Peut être sur 50 justes en manquera t- il 5 ? Pour 5 détruiras-tu toute la ville ? Dieu dit : Je ne la détruirai pas si j’y trouve 45 justes »(1) Et le marchandage continue, 40 puis 30, 20, et enfin 10.
50-45-40-30-20-10… Abraham s’est arrêté à 10. Il a beau être le Père des croyants Il n’a pas cru jusqu’au bout à la miséricorde de Dieu. Il a marchandé le salut de la ville comme un marchand de tapis. Il n’aurait pas du s’arrêter à 10. Il devait plaider coupable et fonder sa plaidoirie sur un argument imparable quand le procureur s’appelle Dieu,la tolérance, le pardon et le salut. Abraham le père des croyants, que « le Seigneur considère pourtant comme juste à cause de sa foi »(2) n’avait pas encore découvert que la Justice de Dieu n’est pas une balance à peser les mérites mais une justice qui rend juste. « Heureux, l’homme dont l’offense est enlevée et le péché couvert »(3) .Jésus nous révèlera ce vrai visage de la justice de Dieu : « qui n’a pas envoyé son fils pour juger le monde mais pour que par lui le monde soit sauvé. (4)
A Outreau, dans le quartier du Renard, il n’y avait pas 50 coupables ni 45, 40, 30,20 ou même 10, un juge les a fabriqués sur le témoignage d’enfants manipulés par une mère indigne. Il fallait alors nettoyer le quartier. Heureusement, les magistrats n’ont pas le pouvoir « de faire pleuvoir du souffre et du feu »(5). « La tentation de la pureté, disait Emmanuel Mounier, est un aspect constant du tragique humain. Elle fabrique des Savonarole, des Saint just et des Robespierre ». ( et des Burgault ?). Dieu nous protège de ces pèlerins de l’absolu qui envoie des innocents en prison sans sourciller. Ce sont des juges ‘’ nettoyeurs’’, des ‘’Karcheristes’’ .. Ils se donnent une mission de « grand inquisiteur »(6).Sur leur tombe comme dans la bouche du pharaon mort, on écrira peut être « Je suis pur en 5 exemplaires »(6bis) cela leur ouvrira t’il la porte du bonheur ouvert par l’Evangile aux miséricordieux(7) ? J’imagine Abraham à la barre au tribunal de Boulogne avec sa plaidoirie de marchand de tapis. Aurait-il réussi à convaincre la justice de ne pas « condamner le juste avec le coupable, ce qui est abominable ? » Aurait-il sauvé quelques têtes ? Le juge Burgaut n’a reçu en échange de ses erreurs tragiques que le froncement de sourcils de ses pairs .Un coup de pied au cul aurait il été plus « séant » pour le guérir de son entêtement et l’inciter à demander pardon de ses erreurs de jugement?(8)
Ce que l’on sait maintenant de la patience de Dieu et de sa justice qui ne condamne pas mais rend juste, me fait dire que Sodome n’a pas été détruite par la faute d’Abraham qui aurait mal plaidé sa cause. Dieu n’a pas envoyé « le souffre et le feu » sur Sodome et Gomorrhe pas plus qu’il a fait trembler la terre dans les Abruzzes ou provoqué le tsunami au Japon. Ce ne sont là qu’interprétations fausses de phénomènes ou d’accidents dramatiques. Jésus s’est expliqué clairement la dessus en commentant la chûte de la tour de Siloé qui avait fait 18 morts : « Pensez vous que ces morts soient plus coupables que les autres habitants de Jérusalem ? »(9)Tout l’Evangile par ailleurs parle de la miséricorde de Dieu, un Père « qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants, tomber la pluie sur les justes et les injustes(10) « mais jamais une pluie de souffre et de feu » sur aucune de ses créatures qu’elles soient hommes ou bêtes, homos ou hétéros, minérales ou végétales, bonnes ou méchantes, justes ou injustes, innocentes ou coupables.
.1) Genèse ch.18/16 à33
(2) Genèse ch.15/6. Voir aussi le chapitre 4 de l’épître aux romains.
(3)Psaume 32
(4) Jean ch.3/17
(5)Genèse ch.19/24
(6) Dans les frères Karamasof, Dostoïevski décrit une scène où le grand inquisiteur met Jésus dans la prison de Séville et lui rend visite pour lui reprocher sa miséricorde subversive et dangereuse pour le peuple.
(6bis)cité par Albert Rouet dans l'émission Parole à notre évéque du 20 Mars .Il commentait les propos sur le Sida et parlait de"la hantise de la rigueur".
(7) « Heureux les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde »Matt.ch.5/7
(8) Un coup de pied au cul fait plaisir à celui qui le donne mais a-t-il un jour rendu la vue et la jugeote à ceux qui en sont démunis ?
(9) Luc ch.13/1à5
(10) Matthieu ch. 5/45