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marcel aymé humour et foi

  • prier sous la bombarde

     

    « La vie lui parut si terne qu’il regretta de n’être pas mort dans le bombardement, mais il se souvint qu’aux premières bombes, il avait eu très peur de mourir et qu’au fond de l’abri où il s’était réfugié, il avait prié Dieu de l’épargner, en faisant  observer  qu’il rendait encore des travaiol,emigration,travailleurs chrétiens,accueilservices. Il lui revint également qu’après l’alerte et exaucé, il était  redevenu athée. » Marcel Aymé..

    Avec  un humour décapant, Aymé   gratte du bout de sa plume  le  fond de l’âme  des gens ordinaires affrontés à l’extraordinaire. Il me rappelle les bombardements  que j’ai  subis  en 1944. C’était le début de l’été, à la campagne, les américains et les anglais se  relayaient  pour détruire une rampe de lancement  de V 1 cachée à l’orée d’un petit bois  prés de chez nous. A la  première bombe, « tous aux abris » ! L’abri c’était la cave. J’ai encore dans l’oreille  le tintement des bouteilles  vides (1) qui tremblaient  avec toute la maison. Nous tremblions  nous aussi.

     Certains s’étaient mis à genoux les bras en croix pour invoquer le ciel : « Seigneur sauve nous, nous périssons » !, d’autres avaient sorti l’arme du chapelet et enchainaient des  ave et des pater ; tous  étaient  terrorisés  par  le chambard de la  bombarde,ils   remuaient les lèvres  et s’adressaient comme ils pouvaient   au ciel dessus la voûte. Je n’ai pas vu mon père prier dans la cave. Il n’était pas athée mais Il  avait trop à faire , il surveillait la voûte qu’il avait renforcée avec  des poteaux. Dés le lendemain,    il nous mobilisait pour creuser une tranchée dans le jardin. Il trouvait cet abri plus sûr que la cave .On n’  y entendait plus trembler la maison et les bouteilles  vides  mais Le chuintement des  chapelets   qui  se dévidait   faisant  un doux  barrage aux bruyants chapelets de bombes.  Comme les bombardements ne cessaient pas et avaient lieu  chaque jour en  fin d’après midi, il  décidât  de nous envoyer  en vélo  dans un village voisin   pour y passer la soirée et la nuit. Il avait  demandé à  une bonne vielle de nous héberger. La vigilance de mon père nous a peut être sauvé la vie. Nous protéger, c’était sa façon  d’être fidèle à  un   Dieu, Père  tout à la fois   des bombardés et  des « bombardeurs » amis  et  alliés,  tous    dans le même camp, les uns au dessus et  les autres dessous.

    Au lieu de dévider   ave et pater  avec les grains du chapelet, on aurait pu «  prier au secours » avec  des  psaumes .Un livre entier de la bible   contient 150 +1  prières  dont une petite  moitié  convenait à notre  inconfort. Ainsi  Le psaume 60 : « Seigneur tu nous as rejetés, disloqués, rétablis- nous.

    Tu as fait trembler la terre,(2) tu l’as crevassée : réduis ses fractures, car elle chancelle !

    Tu as fait voir de durs moments à ton peuple, viens  à notre aide contre l’adversité.

    Avec le psaume 44, on aurait pu insister jusqu’à l’insolence pour que Dieu se réveille  et nous sorte de là : « Seigneur, c’est à cause de toi qu’on nous tue tous les jours,(3) qu’on nous traite en agneaux d’abattoir !  Réveille-toi, pourquoi dors-tu Seigneur ? Sors de ton sommeil, ne  nous rejette pas sans fin ! Pourquoi caches-tu ta face ? Pourquoi oublies-tu notre malheur et notre oppression ? Car notre gorge traîne dans la poussière, notre ventre est cloué au sol.  Ou encore  le 61 : » O Dieu écoute nos cris ; du bout  de la terre je fais appel à toi .Quand le cœur me manque, Tu es pour moi un abri. Je voudrais  être  reçu sous ta tente pour des siècles, et m’y réfugier, caché sous tes ailes. »

    Pour ne pas être taxé  d’ingratitude, et ne pas  redevenir  athée dés la fin de l’alerte comme le "héros" de Marcel  Aymé  ,  on peut  prier  avec  l’autre moitié du livre des psaumes . Les psaumes  d’action de grâces,  pour  dire merci    à   la fin de l’alerte : Ainsi le psaume 62 : « oui, sois tranquille prés de Dieu mon âme ; car mon espoir vient de lui. Oui il est mon rocher, mon salut, ma citadelle. Je suis inébranlable.   Le 63  aussi : «  Je te bénirai Seigneur ma vie durant. Quand  sur mon lit, je pense à toi, je passe des heures à te prier. Car tu as été mon aide, à l’ombre de tes  ailes, j’ai crié de joie. Je m’attache à toi de toute mon âme, et ta droite me soutient .Ou  encore le 86 : Seigneur mon Dieu, je veux te célébrer de tout cœur, et glorifier ton nom pour toujours, car ta fidélité est grande envers moi, et tu m’as délivré des profondeurs de l’enfer. »

    Je n’ai rien contre le pater et l’ave, prière des pauvres gens qu’on déroule avec le chapelet.(3bis) Au volant de  mon bus,à l'heure de matines, j’en  récitais  une dizaine sur les 10 doigts de mes mains. Les mauvaises langues disent que  je conduisais  si mal que  mes  passagers   terrorisés égrenaient  eux  aussi  leur  chapelet comme si leur dernière heure était arrivée. Je trouve néanmoins  les psaumes  plus poétiques et  plus enracinés   dans  l’histoire d’un peuple de croyants  que des patenôtres à n’en plus finir. (4) Cela donne  à la prière  une   certaine épaisseur d’humanité. Les moines qui    chantent  les psaumes  jour et nuit  ne s’en lassent pas, et les  bancs des chapelles  conventuelles ne désemplissent pas .Est ce simplement  la beauté du chant psalmodié  qui attire les gens dans les cloîtres ?Je ne le crois pas.

    "Fréres humains qui aprés nous vivez, priez Dieu que tous nous veuille absoudre" chantait Villon  (avant dêtre pendu.)Si,mort de trouille,vous ne réussissez plus à  sortir  une priére,faites comme François,demandez à "vos fréres humains" de prier Dieu à votre place.

     

    Cloitre.jpg

     

     

     

     

    (1) Les vignes  trop longtemps en zone libre pendant  qu’on buvait  les  pleines  ont fait  de notre cave   un  dépôt de bouteilles  vides, un désert de la soif.

     (2)Terriblement d’actualité avec le tsunami et les tremblements  de terre en Indonésie, en Haïti, et tout  dernièrement au Japon.

    (3) autre actualité  cruelle avec la Libye, La  côte d’ivoire etc..

    (3bis) Péguy en pensant à ces millions d’avé récités de par le monde les compare à « une flotte innombrable, une flotte aux voiles blanches, les blanches caravelles des avé. »

    (4)Matthieu ch.6 :7à15. « Quand  vous priez, ne rabâchez pas comme les païens, ils s’imaginent que c’est à force de parole qu’ils se font exaucer .Ne leur ressemblez  pas car votre père  sait ce  dont vous avez besoin avant même que vous le demandez. »