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vie spirituelle - Page 311

  • Sérendipis

    resto.jpgChapitre 

    3  l’embauche

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    On est en début de  matinée, ce Lundi,  il fait encore  sombre. Adrien colle sur la jente la  petite dynamo qui alimente son feu rouge  et la lampe de son  phare de bicyclette. Il a   dans la poche le  papier  avec l’adresse de Georges. C’est sur sa route. L’impasse est un  ancien chemin  de maraîcher. Coté impair, un garage isolé, un appentis, des jardins ouvriers   mal clôturés  avec des   haies de troène  taillées sans niveau ni règle,  des taules rouillées et  du grillage. Coté pair  une dizaine de maisons  petites et  bien entretenues. Celle de Georges  est au fond de l’impasse. La sonnette  sonne claire, Georges ne tarde pas à ouvrir.

    -« C’est vous ? Adrien ? Vous ne savez pas le plaisir que vous me faites en me rendant visite. Entrez donc.

    -Je veux bien, à condition que tu me dises  tu. Je suis parti à l’avance pour le resto. Il faut préparer la distribution de cet après midi  On est un peu débordé. Comment ça va ?

    -Comme tu le  vois ! Je te présente  Odile, ma femme, elle va un peu mieux. Mon fils est à Lille 3  en  première année  de licence de Géographie.   Il va venir nous voir Dimanche.  Les jumelles sont au collège  et le  petit dernier à l’école.

    -Et le travail  ça avance ??

    -Toujours pareil. «  On vous écrira » ! Au pole emploi, c’est un peu la pagaille  avec la fusion de l’ANPE et des Assedic. J’ai quelques pistes mais l’espoir est mince. Les 26 mois d’indemnité sont passées, je suis en fin de droit comme ils disent, depuis trois  mois déjà. Je vais bientôt recevoir le RSA m’ont-ils promis. Heureusement, il y a le resto du cœur.

    -Oui, mais  avec la misère qui s’aggrave, on est un peu débordé, je ne veux pas te détourner de ta recherche de travail mais si  tu avais quelques heures à donner, tu serais le bienvenue. Surtout le Lundi matin à l’heure des livraisons.

    -Eh bien, écoute !  Volontiers ! On s’est connu  grâce à mon numéro de téléphone. Je te l’ai donné à ta demande pour servir. Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. Tu peux compter sur moi  Lundi. A quelle heure faut-il commencer ?

    -Tu viens, disons à 8 h ? Tu n’habite pas trop loin, 10 minutes en vélo. Je passerai te prendre  à 8 h-10 si tu veux, ça t’évitera de chercher. Bon weekend, à  Lundi, je suis content  que tu acceptes.

     

     

    Chapitre 4 : le bonheur de servir

     Les enfoirés, La Compil'(vol 3) (DVD)

     

    La maison du resto du cœur  est un ancien  bistrot. Deux portes donnent sur une pièce assez vaste. Derrière, reliée part un couloir étroit, une autre pièce  sert d’entrepôt. Elle s’ouvre sur une petite cour où  une camionnette peut rentrer en marche arrière  par une grille  qui donne sur une ruelle. C’est bien commode pour décharger  les provisions et c’est là   qu’en ce Lundi matin Adrien et Georges  travaillent .Ils ont accrochés leur vélo  à la grille coté rue, enfilé un bleu, avalé un café  préparé par Sylvie et  ils se sont mis au travail sans tarder. La camionnette est remplie  de  paquets de  6 litres de lait. Adrien prend 3 paquets d’un coup. Georges en pends 2  et les trouve  déjà lourds. Ils les entreposent le long du mur sur une palette. Tout à l’heure les femmes qui font les colis    ouvriront les paquets et mettront  autant de litres qu’il y a d’enfants dans la famille à aider. Et c’est ainsi  pour  tout. A 10 h les femmes arrivent pour faire les colis .Elles sont 7 ou 8  à s’agiter  dans l’entrepôt et à transporter les colis dans la pièce de devant par l’étroit couloir. L’humeur est joyeuse. Georges est content. Pour la première fois depuis deux ans, il se sent utile  et le coude à coude du travail  lui réchauffe le cœur.  Adrien  présente Georges à  Mireille :

    -T’as vu mon travailleur ? Il en met un coup ! Et dire que si  je n’avais pas oublié de lui téléphoner, ça ferait déjà  deux ans qu’il serait là. Enfin mieux vaut tard que jamais. C’est l’ouvrier « de la onzième heure »(3) Il aura le même salaire  que moi qui suis de la première.. C’est à dire « zéro sous, zéro centime » avec en prime le bonheur de servir» comme dit Mireille..

    -« Et dire que si je n’avais pas perdu mon trousseau de clefs, je n’aurai pas retrouvé  son numéro de téléphone griffonné  sur un ticket de caisse glissé sous mon bureau »,ajoute  Adrien qui  continue en se parlant à lui-même  tout haut:

    «  Et dire que  si j’avais  jeté  le ticket de caisse avec son numéro, il ne serait pas là à décharger  sa 4 éme  camionnette. »

    -"avec des si, on met Paris dans une bouteille !" dit Sylvie. Et  à propos de bouteilles,  il y a encore une camionnette d’eau à décharger, avec « ton ouvrier » de la onzième heure, s’il le veut bien et, si bien sûr tu as encore de la force.

    Sylvie  se moque   gentiment de mes  si et en rajoute. Elle ne connait pas le conte  persan des 3 princes de Sérendipe(1) qui trouvaient  et recevaient en cadeau ce qu’ils ne cherchaient pas. Elle  a trouvé sans la chercher, la joie qu’il y a à   donner, une joie gratuite,  cerise sur le gâteau et elle est contente  de voir Georges  heureux  de mouiller sa chemise  pour d’autres qui galèrent comme lui.

    (1)conte persan : voir ci-dessous.

    (2) « il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Actes  ch 20 /33(3)

    (3)Matthieu ch. 20 : « les derniers seront les  premiers"

     

     

     

     

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    Conte persan

     « Les trois fils du roi de Serendip (mot du perse ancien pour Sri-Lanka) refusèrent après une solide éducation de succéder à leur père. Le roi alors les expulsa. Ils partirent pour voir des pays différents et bien des choses merveilleuses dans le monde. Un jour, ils passèrent sur les traces d'un chameau. L'aîné observa que l'herbe à gauche de la trace était broutée mais que l'herbe de l'autre côté ne l'était pas. Il en conclut que le chameau ne voyait pas de l'œil droit. Le cadet remarqua sur le bord gauche du chemin des morceaux d'herbes mâchées de la taille d'une dent de chameau. Il reconnut alors que le chameau aurait perdu une dent. Du fait que les traces d'un pied de chameau étaient moins marquées dans le sol, le benjamin inféra que le chameau boitait. Les trois frères rencontrèrent ensuite un conducteur de chameau qui avait perdu son animal. Comme ils avaient déjà relevé beaucoup d'indices, ils lancèrent comme boutade au chamelier qu'ils avaient vu son chameau et, pour crédibiliser leur blague, ils énumérèrent les signes qui caractérisaient le chameau. Les caractéristiques s'avérèrent toutes justes. Accusés de vol, les trois frères furent jetés en prison. Ce ne fut qu'après que le chameau fut retrouvé sain et sauf par un villageois, qu'ils furent libérés, choisis pour  leur sagacité comme conseillers  à la cour, comblés de cadeaux, et  invités à succéder à leur père.

    . Cadeaux tombés du ciel  qu’ils n’ont pas cherchés mais bien reçus, cadeaux  princiers que d’aucuns nomment désormais une   gratification « Sérendipiste »  selon la simple  application du principe de la « sérenpidité ».

    Comme les 3 princes de ce conte persan, j'ai trouvé  en cherchant mes clefs ,le papier sur lequel était griffonné le numéro de téléphone de Georges .Georges, a trouvé  sans la chercher et en cadeau  une joie perdue. Selon vos références, c’est une joie   Sérendipiste,  une joie évangélique  donnée au « centuple par surcroit »(1) ou plus simplement « le bonheur de donner » à la façon  de Mireille (bénévole au resto) et  la bonne humeur  de tous les « enfoirés »depuis Coluche, mais aussi de Luc qui a écrit  dans les Actes : « il y a   plus de joie à donner qu’à recevoir ».

     

    (1) Marc ch10/30 : « Vous recevrez le centuple de ce que vous avez donné,  dés maintenant et la vie éternelle dans l’avenir ».resto.jpg