Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vie spirituelle - Page 312

  • Serendipis

    Sérendipis, un conte persan à la Coluche.

    Chapitre 1  Le numéro de téléphone

    Je ne trouve plus mes clefs. Pas seulement les clefs de voiture. Tout le trousseau. Je ne peux même pas sortir de chez moi. Et en plus, je suis pressé. C’est l’horreur. Toutes les pièces, tous les meubles, tous les vêtements sont pasresto.jpgsés au crible, fouillés, retournés. Une bonne demi- heure après, Je mets la main dessus mes clefds  à l’endroit précis ou je les avais mises la veille  au soir, dans  la poche  de mon pantalon  sous le mouchoir. Sur une table basse, je dépose  les trophées de  ma recherche fébrile : Une punaise  à  tête jaune, un trombone acier, un stylo Bic, une paire de  ciseaux, un petit cahier, une règle graduée, des  bouts de papier, un cache d’appareil photo et même une fourchette. En fin de matinée, de retour à la maison,  j’admire  ce que j’ai trouvé  en cherchant mes clefs le matin   et  je  pense  aux princes de Sérendipe(1) qui  avaient le chic pour trouver ce qu’ils ne cherchaient pas. Je range les objets  et déplie les papiers avant de les jeter  à la corbeille. Or voici qu’en dépliant  une note de supermarché, retrouvé sous  mon bureau, je découvre un numéro de téléphone  griffonné au verso. Qui se cache derrière ce numéro ? Machinalement, je le range  sur le bureau. On verra bien ! Quelques jours plus tard, je  retrouve  ce numéro  qui m’intrigue. On ne laisse pas son numéro  à n’importe qui. J’ai du rencontrer quelqu’un   à la sortie du magasin  qui a souhaité que je le contacte. Je remets le papier sur le bureau, résistant à la tentation de le jeter. On ne sait jamais. Et  le lendemain, il arriva ce qui devait arriver, j’ai cédé à la curiosité. J’ai appelé. Une voix de femme m’a répondu. « Allo, bonjour Madame, ici  Adrien Durand, je retrouve votre numéro  en rangeant  mes affaires  et ne sais plus en quelles circonstances, il  s’est trouvé  en ma possession. Je vous téléphone pour en avoir le cœur net. »

    -, Mais monsieur, je ne crois pas vous connaitre, qui êtes vous exactement ? Il doit y avoir une erreur, je vous passe mon mari.

    -Bonjour Monsieur,  je me présente, monsieur Adrien Durand, mon nom ne vous dit peut être rien mais je retrouve   votre numéro sur un papier  et  me demande par où c’est arrivé et si par hasard je ne m’étais pas engagé à vous rappeler.

    -allo, je crois que mon épouse a raison, il doit y avoir une erreur car votre nom ne me dit rien.

    - Bon, excusez-moi monsieur, bonsoir. Et je raccroche .Puis aussitôt, je jette le papier à la corbeille. L’affaire  est classée, du moins je le crois. Trois jours plus tard, un coup de fil :

    – Allo, bonjour monsieur, vous m’avez appelé  il y a quelques jours en me disant que vous étiez en possession de mon numéro de téléphone et que vous ne vous rappeliez plus en quelles circonstances  je vous l’avais donné. Sur le coup , je n’ai pas réagi ,mais intrigué , j’ai fait des recherches et  je me suis souvenu  avoir donné mon numéro à la sortie  d’un supermarché .Des jeunes  pour la banque alimentaire  faisait des collectes ce jour là .On a parlé  de la misère  dans le monde et en France, j’ai déposé un paquet de biscuit et vous ,je me souviens, un pack de lait dans  le caddy  de la banque. Vous m’avez dit  que vous étiez bénévole au resto du cœur, qu’il manquait de bras. C’est là que je vous ai donné mon numéro pour que vous me rappeliez et qu’on se mette d’accord pour servir. Vous n’avez pas donné suite et  j’ai pensé à autre chose. »

    -Allo, je me souviens maintenant.Mais  Le ticket avec votre numéro, je l’ai mis dans la corbeille puis  vidé dans la poubelle bleue .Je suis toujours bénévole au resto du cœur, si vous permettez, je vais  noter de nouveau votre numéro avec vos références cette fois. On est débordé, votre proposition  de servir tient elle  toujours ?

    - Figurez-vous monsieur, que je suis passé de l’autre coté. Du coté de ceux qui  crèvent de faim. Cette histoire  de numéro de téléphone échangé  date d’il y a deux bonnes années .Depuis, J’ai perdu mon emploi, ma femme est tombée malade et tout s’est enchaîné. Un accident  de voiture ou j’étais dans mes torts. Mon aîné s’est inscrit à l’université, on a vidé  nos comptes pour le loyer de sa chambre d’étudiant. C’est le resto du cœur qui me nourrit, moi et toute la famille. C’est la galère. Mais je ne crois pas vous avoir vu au resto ? C’est vrai qu’il y a plein de monde tant du coté bénévole que de l’autre et  je ne vous ai peut être pas reconnu. Après tout, on ne s’est vu qu’une fois.il y a déjà longtemps.

    -Pour la distribution au public, J’y vais un jour par semaine, le Jeudi. Peut être y venez vous un autre jour.

    - Merci, c’est bon à savoir. Je viendrai  Jeudi prochain .On se reconnaitra peut être.

     

     

    Chapitre 2 Le resto du cœurresto.jpg

     

    -Les deux hommes se sont de suite reconnus. C’était un Jeudi  bien entendu.  Adrien d’un coté du comptoir et Georges de l’autre.

    Adrien  habite un quartier  de maisons de  briques rouges. Il  en a acquise une  et a fini  de la rembourser. Il est en retraite  et fait partie de ce qu’on appelle la classe moyenne. La moyenne, de fait,  il l’a en tout. Dans l’éducation de ses enfants qui  sont tous installés dans la vie  et  le comblent de  9 petits enfants,il est bien audessus de la moyenne. Dans sa retraite   qui avec sa complémentaire  le classe dans la bonne moyenne. Les temps, sont difficiles pour des gens de son entourage mais en moyenne,  lui s’en sort. Par contre, question dévouement  au resto, il est largement au-dessus de la moyenne .Voir George  de l’autre coté du comptoir, lui fend le cœur.  Par souci d’égalité et respect des normes décidées en comité, il ne lui donne que  le colis préparé pour une famille de 4 enfants alors qu’il a été tenté de  doubler les doses. Il regarde s’éloigner Georges, courbé, avec une démarche  hésitante et résignée et son  cœur se serre. La vie le reprend, il y a tant d’affamés à nourrir. Ce matin  la queue d’attente  ne se résorbe pas. On a l’impression que toute la « misère du monde » s’est donné rendez-vous ici.Ce qui le frappe c’est  le nombre impressionnant de jeunes. Cependant le visage de Georges   continue de   hanter Adrien. Après la distribution, il  consulte le registre  et note : Georges Duval  18  impasse Mesr… , né le  3 mars 1963  à Lille.Le  Téléphone, c’est un  06….          . Adrien note l’  adresse, le numéro  de portable. L’autre, le numéro du  fixe n’est plus valable sans doute. , il  git au fond de sa poubelle bleue.

    -Tu connais  ce gars la, lui demande  Mireille  qui fait office de  secrétaire ?

    -Oui, je l’avais contacté pour  être bénévole et voila  que je le retrouve de l’autre coté du comptoir, les gens basculent  de plus en plus vite dans la misère.-

    -Tu vas faire quelque chose pour lui ?

    -Oui si je peux l’aider ! On verra. Il faut laisser parler  son cœur au resto, sinon   à quoi on sert ! On n’est pas des machines à distribuer des colis. Je rêve d’un jour où on fermera  les restos .Ce sera quand   tous les gens  pourront se passer de nous.

    - D’accord mais en attendant, on compte sur toi la semaine prochaine. Peux  tu venir  Lundi, dés le matin  assez  tôt pour  décharger les arrivages ?.

    -d’accord, je serai là, J’ai envie de demander à Georges de venir  avec moi, qu’en pense tu ?.

    -Très bonne idée .On ne peut garder pour soi  le bonheur de donner(2).

     Adrien fait le tour  du magasin, range  un caddy, éteint la lumière, baisse le rideau. Un dernier "client"  arrive  alors en pressant le pas.

    -Désolé, c’est trop tard ! On ouvre  Jeudi. prochain. Lundi pour dépanner

    -Et comment je fais moi  pour nourrir mes gosses ? .Vendredi, Samedi, Dimanche, ça fait trois jours sans rien ?

    -Désolé, on est ouvert depuis 9 h. Vous arrivez à midi, les bénévoles sont partis, on ferme.

    -Désolé, désolé, vous n’avez que ce mot à la bouche. Et mes gosses ? Croyez vous que je puisse les nourrir  avec des « désolés ».

    -Vous avez combien  de gosses ?

    -J’en ai trois, le plus grand à 10 ans. Je suis en retard, c’est vrai. Allez, faites un effort, vous n’avez  pas encore tourné la clef !.

    -Bon, on va voir ce qu’on peut faire.

     Adrien  ouvre de nouveau le rideau. Il reste un colis   pour une famille de 3 enfants. Il le donne  au gars  qui s’en va  sans un merci et sans se retourner.

    Si on faisait  cela pour la reconnaissance ,pour avoir un merci, se dit Adrien, autant arrêter  de suite .Mais quand même, ça fait mal !  Il referme le rideau, prend son vélo et s’en retourne chez lui. Qu’est ce quelle a dit la secrétaire ? Elle  m’a  bien dit   qu’il fallait partager le bonheur de donner ? Eh bien,  Ce midi, ce partage   sera vite fait. Le dernier « client » a emmené  mon bonheur et la joie de donner  avec  le colis  sous le bras. Ne dit on pas que l’affamé mord la main de celui  qui le nourrit ?

     

    1)conte persan : voir  la prochaine note

    (2) « il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Actes  ch 20 /33